Lors d’un atelier récent de formation commerciale réalisé pour le bénéfice d’un grand éditeur de logiciel américain, j’ai eu le plaisir de dialoguer assez longuement avec Jean-Paul G. Alors que nous abordions le thème de la négociation, ce dernier m’a fait part de son expérience en tant qu’animateur d’un cours sur la négociation à l’attention des élèves de troisième année d’HEC. Il me raconta notamment comment il se servait du film 12 hommes en colère de Sydney Lumet (1957) dans le cadre de son enseignement.
L’intrigue de 12 hommes en colère se passe aux Etats-Unis d’Amérique dans les années 50. Un adolescent de 18 ans est accusé du meurtre de son père. Un jury composé de 12 hommes doit déterminer si le jeune homme est coupable ou non. Le verdict doit être prononcé à l’unanimité des membres. S’il est déclaré coupable, le garçon sera exécuté à la peine capitale, c’est-à-dire à la chaise électrique. S’il est déclaré non coupable, il sera libéré.
Les charges à l’encontre du jeune homme sont accablantes : une jeune femme habitant l’immeuble d’en face dit l’avoir vu planter un couteau à cran d’arrêt dans le cœur de son père. Le voisin du dessous, un vieil homme à mobilité réduite dit avoir entendu le garçon crier « Je vais te tuer », s’est déplacé jusqu’à l’entrée de son appartement et, au moment où il ouvrait sa porte, avoir vu le jeune homme dévaler les escaliers. L’alibi du jeune garçon ne tient pas la route : à l’heure du crime, il déclare avoir été au cinéma, mais lorsqu’il est arrêté par les policiers alors qu’il rentre chez son père, il est dans l’incapacité de dire quel film il a vu et quels en étaient les acteurs principaux.
Lorsque le jury se réunit, tout le monde pense que la détermination de la culpabilité n’est qu’une simple formalité. Au point que une fois les 12 jurés installés autour de la table, le président propose un vote à main levée. A la question « Qui pense que l’accusé est coupable ? », 11 mains se lèvent . 1 seule voix se prononce pour la non-culpabilité, celle de l’architecte, le juré n°8 en suivant le tour de table, interprété par Henry Fonda.
A partir de ce moment et pendant 80 minutes, se déroule un huis-clos d’une grande intensité, riche en rebondissements et en coups de théâtre. Et au bout des 80 minutes, le jury quitte la salle de délibération avec le verdict en main : « non coupable ». Les uns après les autres, les 11 défenseurs initiaux de l’option « coupable » auront changé de camp, pour des raisons aussi diverses qu’il n’y a de personnes, d’intérêts en jeu, ou de drames en sourdine.
La beauté de 12 hommes en colère, c’est qu’il peut être associé à plusieurs genres. Critique acerbe de la société américaine ? Oui, puisque les deux caractères les plus éreintés par le réalisateur sont celui du publicitaire (N°12) et celui du ‘‘self made man’’ (N°3). Panégyrique de la démocratie ? Oui, sans l’ombre d’un doute. Critique de la peine de mort ? Aussi. Mais à côté de cela, 12 hommes en colère est aussi un film riche d’enseignements sur l’art de négocier.
Après avoir vu et revu le film, cinq points en particulier m’ont frappé :
- L’importance à négocier sur les enjeux (et non sur les personnes) ;
- L’importance des temps morts, des moments de respiration, dans la négociation ;
- Le rôle ambigu (pour ne pas dire néfaste) des croyances dans la recherche de la vérité ;
- La maïeutique comme dynamique de dialogue ;
- L'art de créer de l'intensité dramatique tout en respectant l'unité de temps.
Je consacrerai donc, dans les semaines qui viennent, un billet à chacun des thèmes mentionnés plus haut.
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