Quand j’ai commencé ma vie professionnelle dans la fonction commerciale, alors que j’étais un bizut de la vente, on m’a expliqué en long et en large l’importance qu’il y avait à qualifier les prospects avec le plus grand soin.
C’est ainsi que j’ai appris qu’un bon prospect était écossais, enfin « S.C.O.T.S.M.A.N. » pour être plus précis, entendez "S" pour "solution", "C" pour "concurrence", "O" pour "originalité", etc. 8 critères de qualification, grand Dieu, voilà qui était énorme ! Alors, quand on m’a dit qu’avec les quatre suivants Budget / Authority / Need / Timeline, soit B.A.N.T. on s’en tirait déjà pas mal, j’ai été plus que ravi.
Le temps a passé et j’ai fait un certain nombre de découvertes assez simplistes pour un habitué de la vente. Alors que j’essayais démêler l’écheveau de ce à quoi pouvait ressembler une vende ‘‘idéale’’, je me souviens encore de m’être dit : « Chouette, voilà qui est bien pratique ! B.A.N.T… Il suffit que je dispose de ces informations pour disposer d’un bon prospect… »
Il a fallu que je traite (et que je perde) un bon nombre d’affaires où le prospect me disait avoir un besoin documenté (« tenez, voici le cahier des charges »), disposer d’un budget (« si vous êtes à moins de ______ euros, vous avez toutes vos chances »), être clair sur le processus de décision (« je suis décideur ») et être pressé (« je veux votre proposition pour hier »), pour que je me dise qu’il y avait quelque chose de « pourri au royaume du B.A.N.T. »
Très vite je devais découvrir qu’un prospect qui avait un budget avait aussi une idée claire sur l’identité du fournisseur avec qui il envisageait de travailler. En clair, lorsque le budget était alloué, les carottes étaient cuites. Alors pour peu que je n’aie pas été consulté avant la définition du budget, cela signifiait que je travaillais pour perdre... ou pour la gloire.
Ensuite, je compris que le fin du fin de mon métier de commercial résidait dans ma capacité à aider le client à spécifier un besoin, puis à orienter sa satisfaction vers ce que j’étais en mesure d’offrir. Et que ce n’était qu’après cette phase critique dite de « développement de solution » que le client se préoccupait de savoir quel budget allouer, à qui déléguer les fonctions d’évaluation, quelle forme prendrait le processus de décision et quel serait le calendrier de mise en œuvre.
Fort de ces deux enseignements, j’en tirais la conclusion simpliste comme quoi le BANT était une technique redoutable pour savoir si le client allait acheter, mais particulièrement médiocre pour déterminer si le client allait acheter… chez moi.
Pire, je découvrais que le BANT était une technique très éprouvée pour échouer. En effet, réduire son champ d’intervention commercial aux seuls projets déclarés avec un budget, un décideur (authority), un besoin spécifié (need) et un calendrier (time) consistait le moyen le plus sûr de travailler sur des opportunités commerciales acquises à la concurrence.
Quand on pense au nombre de sociétés où la définition d’une bonne opportunité est indissociable de la notion de B.A.N.T. on se dit, au vu des points mentionnés plus haut, qu'il est incroyable que cette méthode résiste si bien au poids des années. Tant que le marché était porté par une demande forte et que le commercial demeurait un agent indispensable pour la fourniture d’informations, tout le monde y trouvait à peu près son compte. Après tout, la soif d’achat était telle que nul n’éprouvait le besoin d’optimiser le système pour concentrer l’effort de vente sur les seules opportunités susceptibles d’être gagnées.
Oui, mais voilà. Deux phénomènes sont venus bouleverser la donne. D’abord, la demande s’est singulièrement contractée au passage du millénaire. Ensuite, l’émergence du web est venue changer en profondeur nos comportements d’achat. Du jour au lendemain, la figure du commercial en tant qu’expert, fournisseur d’informations est devenue parfaitement inutile puisque toutes les informations figuraient désormais sur la toile.
Dans ce nouveau contexte, il devenait essentiel d’aller chercher les prospects au moment où ils commençaient à mener leurs investigations sur la toile, histoire de se faire par eux-mêmes une idée des solutions disponibles par rapport à des objectifs d’amélioration bien particuliers. Et comme le graphique ci-dessous l'illustre parfaitement, cette phase a lieu bien avant que le prospect ne déclare explicitement l'existence d'un projet, durant des phases que nous pourrions appeler "veille" ou "besoin en gésine".
Par ailleurs, comme la demande se contractait, il devenait soudain essentiel de focaliser l’effort commercial sur les moments du cycle d’achat client où l’impact du vendeur était le plus fort. Fini le « bon temps » où il suffisait de jouer sur les opportunités B.A.N.T. pour faire son quota malgré des taux de conversion souvent lamentables… Désormais, une nouvelle discipline s’imposait consistant à focaliser l’effort sur les seules opportunités susceptibles d’être gagnées, soit celles sur lesquelles le commercial avait pu orienter la perspective du client sur une solution embarquant ses produits et/ou services. Dans ce nouveau monde, le commercial gagnant devenait celui qui intervenait suffisamment tôt dans le cycle d’achat client pour influencer la construction de la solution. Les structures gagnantes devenaient celles qui allaient chercher les prospects sur le web au moment où ces derniers effectuaient leur veille, puis faisaient intervenir leur force de vente là où elles pouvaient avoir le plus d’impact, à savoir durant la phase de développement de solution.
En synthèse, le B.A.N.T et son ancêtre le S.C.O.T.S.M.A.N. ont rendu de bons et loyaux services dans un monde sans internet et où la demande était insatiable. Dans notre nouvel univers de vaches amaigries où les clients utilisent abondamment le web dans les phases amont de leur cycle d’achat et ne déclarent les budget qu’après avoir choisi leur fournisseur, s’appuyer sur le B.A.N.T. devient un passeport pour échouer.
A l'opposé, les organisations qui réussissent sont celles qui vont chercher les prospects sur le web lorsqu'ils sont en phase de veille à travers des dispositifs non intrusifs à l'image du SAI de Link4LEAD, puis font appel à leur force de vente pour intervenir sur la phase la plus décisive du processus d'achat, celle consistant à aider les clients à développer leur solution.
A bon entendeur...
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