Récemment, en me baladant sur le site de LinkedIn, je suis tombé sur un livre blanc particulièrement intéressant réalisé par Lou Adler et intitulé "The Job-Seeking Status of the Fully-Employed Whitepaper" (Livre blanc sur la façon dont les employés à plein temps abordent la recherche d'emploi, NDLR).
Les résultats mis en avant dans ce rapport sont édifiants.
Seulement 18% des employés à temps plein (ETP) sont en phase de recherche active ; pourtant, au-delà de ce groupe, une tranche de 60% sont prêts à envisager un changement de job.
Ces 60% se décomposent en deux. Dans un premier sous-groupe de 44%, on trouve des personnes enclines à considérer un changement de poste, pour peu qu'on vienne vers elles. Dans le deuxième sous-groupe, représentant 16% du total des personnes interrogées, les individus ne sont toujours pas en recherche active quand bien même ils sollicitent leur réseau proche pour se faire une idée sur ce qui peut exister pour eux, en termes d'opportunités.
Au bout du compte, il n'y a que 22% des individus qui restent de marbre à toute idée d'évolution dans leur travail, tant ils sont satisfaits de leur situation présente.
Une deuxième conclusion du livre blanc a suscité mon intérêt : les organisations les plus efficaces dans leur politique de recrutement sont celles qui se concentrent sur les candidats "passifs" par opposition aux candidats en phase de recherche active.
Le rapport insiste sur le fait que ces organisations obtiennent trois bénéfices majeurs. En premier lieu, comme elles touchent le candidat avant qu'il ne se mette sur le marché du travail, elles ont des taux de réussite plus importants. C'est ce que j'appellerais l'avantage au premier entrant. Le deuxième avantage, c'est qu'en s'adressant au candidat avant que celui-ci n'ait pu formaliser son besoin en matière d'évolution, elles sont plus en mesure d'influencer le travail de conceptualisation du candidat au profit de caractéristiques qui leurs sont propres. Enfin, en intervenant aussi tôt dans le processus de recherche, ces organisations parviennent à échapper au phénomène typique de surenchère survenant lorsque, sur la dernière ligne droite, plusieurs sociétés se battent pour attirer le candidat.
Alors pourquoi je vous parle de tout cela ?
Tout simplement parce que les ressemblances avec la vente m'ont semblé frappantes.
Première analogie : le marché des opportunités latentes est plus important que celui des opportunités déclarées, dans un rapport de 3 pour 1.
Deuxième analogie : en allant chercher les opportunités au moment où elles ont encore la forme d'une chrysalide, l'organisation vendeuse s'offre la possibilité d'influencer positivement le prospect en sa faveur, de bâtir suffisamment de différenciation pour rendre l'action de la concurrence inopérante et enfin, de créer assez de valeur au passage, pour ne pas avoir à brader l'offre à grands coups de rabais, ristournes et autres opérations de destruction de valeur.
L'impact de cette découverte est plus profond qu'il n'y paraît. Notamment pour ce qui a trait au design des processus de vente. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais la plupart du temps, il est demandé dès les phases les plus amont du processus de vente de "qualifier" le prospect, c'est-à-dire de vérifier qu'il y a un projet déclaré, un budget alloué, un calendrier spécifié, etc. Vous retrouverez ces critères sous les appellations les plus diverses comme BANT, SONCAS, SCOTSMAN...
Peu importe la dénomination, après tout. Dans tous les cas de figure, demander à un commercial de chécker (ou de tiquer) l'existence de ces critères de qualification en amont dans la gestion de son cycle de vente, c'est le condamner à focaliser ses efforts sur des opportunités où le prospect est certes prêt à acheter, mais certainement pas avec vous...
Voilà ce qui s'appelle, se mettre en ordre de bataille pour... perdre !
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Dans la même veine :
- Erreur de design de processus de vente n°1 : la proposition
- Erreur de design de processus de vente n°2 : assimiler efficacité commerciale et niveau d'activité
- Erreur de design de processus de vente n°3 : confondre processus et automatisation
- Erreur de design de processus de vente n°5 : disposer d'étapes déséquilibrées
- Erreur de design de processus de vente n°6 : demander au cornac d'organiser la parade des éléphants
- Erreur de design de processus de vente n°7 : mesurer à tort et à travers
- Erreur de design de processus de vente n°8 : vouloir évangéliser le marché
- Erreur de design de processus de vente n°9 : oublier le client
- Erreur de design de processus de vente n°10 : négliger l'adoption
- Erreur de design de processus de vente n°11 : mal nommer les étapes
- Erreur de design de processus de vente n°12 : faire de la signature l'étape ultime du processus
Limpide !
Rédigé par : Jérome Morel | 27/03/2012 à 18:04
Comme de l'eau de roche, me diras-tu.
Alors, comment se fait-il que tant de processus de vente comprennent si en amont la qualification des éléments de type "projet", "budget", "décideur", "calendrier", etc. ?
Rédigé par : Jean-Marc à Jérôme Morel | 28/03/2012 à 00:36
Jean-Marc,
un autre aspect du probleme est la vision court terme des resultats. Si un commercial a le choix, pour utiliser au mieux sont temps, entre:
- cultiver une relation long terme avec un client potentiel qui ne va pas participer au prochain calcul de commission, mais peut avoir une forte contribution long terme,
- signer tout de suite un petit contrat, qui ne va pas generer de recurrent,
un simple calcul de ses commissions va le pousser a faire une suite de "coups", sans developer en profondeur son portefeuille.
La selection en amont de prospect "chaud" est alignee avec cette vision court terme, confirmee par les plans de commissions.
Rédigé par : Stephane Monsallier | 06/08/2012 à 03:41
Stéphane,
Dans mon billet, je m'intéresse à un moment bien particulier du processus de vente dit de "découverte" constituant la partie amont de la gestion d'opportunités.
Le point auquel vous faites référence renvoie plus à mon sens à la recherche d'équilibre entre la gestion d'opportunités d'une part et la gestion de la relation clients, d'autre part.
Ces deux volets peuvent souvent être vus de façon contradictoire tant la première (gestion d'opportunités) contribue à la génération de revenus à court terme là où la seconde (gestion de la relation client) constitue le préalable à la construction de flux de revenus sur le long terme.
Pourtant, dans tout processus de vente bien conçu, il doit y avoir un volet important consacré à la gestion de la relation client, c'est-à-dire à l'entretien de la relation après signature du premier contrat.
Quant aux plans de commissionnement, là aussi, il me paraît dangereux de les indexer sur la seule réalisation de revenus tant cela peut "pervertir" le comportement du commercial vers la recherche exclusive de sources de revenus à (très) court terme.
Donc, deux leviers pour pallier les difficultés bien réelles que vous mentionnez :
1. Compléter le processus de gestion d'opportunités par un processus de gestion de la relation client dans le cadre d'une vision holistique du processus de vente, et...
2. S'assurer que le plan de commissionnement n'est pas à 100% orienté autour de la seule génération de revenus et qu'il comprend un volet significatif sur la satisfaction client.
A ce dernier égard et pour concilier habilement les 2 branches du dilemme, j'ai vu des plans de commissionnement fournissant des incitations raisonnables autour de la génération de revenus sur les comptes clients existants par opposition à la seule acquisition de nouveaux noms.
Something to think about, right?
Au plaisir de vous lire prochainement sur cette tribune,
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Stéphane | 21/08/2012 à 17:58