Quand je suis entré dans la vie active, mon premier métier a consisté à vendre des systèmes informatiques à des entreprises.
Je me souviens que mon employeur d'alors m'avait fait suivre un cours de technique de vente. On y enseignait l'art de présenter l'offre en créant des passerelles entre les caractéristiques techniques du produit, les avantages induits et leur traduction en bénéfice pour le client. Il y était question de l'art et la manière de répondre aux objections, puis de conclure gaillardement l'affaire non sans avoir au préalable collecté un nombre significatif de "oui", pour émousser les velléités de rebellion de tout client avant de poser sa griffe sur un contrat.
En clair, on m'apprenait à faire l'article de ce que je vendais, à être un bon récitant...
A l'époque, je ne savais pas que la médicorité intrinsèque de cette façon d'appréhender la vente avait déjà été dénoncée bien des siècles auparavant, sous la plume d'un de mes personnages de littérature préférés, à savoir Nasr Eddin Hodja.
Dans une de ses fameuses aventures, on raconte qu'un jour, Nasr Eddin décide de devenir vendeur de pois chiches grillés. Pour faire bonne figure, il achète à un ancien marchand de pois chiches un âne et les outils nécessaires pour exercer ce type de commerce. Comme l'âne était accoutumé à ce négoce, chaque fois qu'il passait devant la maison d'un client potentiel, il ne pouvait s'empêcher de braire de la plus belle des façons pour attirer l'attention. Le résultat, c'est que le malheureux Nasr Eddin ne pouvait même pas lâcher son cri "par ici les bons pois chiiiiiiiches", car sa voix était immédiatement couverte par le braiement de l'aliboron.
Une fois arrivé à la place du marché et l'étal bien installé, Nasr Eddin s'apprêtait à rameuter le chaland avec son légendaire "par ici les bons pois chiiiiiiiches" quand le baudet le devança et se mit à braire puissamment. C'en était trop. Nasr Eddin se retourna brutalement vers l'animal et l'apostropha en ces termes :
- Qui est en train de vendre les pois chiches ? C'est toi ou c'est moi ?
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NB : Vous trouverez une autre saillie de Nasr Edin Hodja dans cette tribune ici. Si vous aimez, n'hésitez pas à vous procurer le livre des Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja, trad. J.-L. Maunoury, Phébus Libretto, 1990. Vous ne serez pas déçu du voyage tant ce recueil constitue un authentique bijou de sagesse et un pur éclat d'intelligence.
Tu es toujours un aussi bon vendeur mon ami, je viens d'acheter le livre sur Amazon avec la redoutable fonctionnalité "One Click". Merci et à très bientôt autour d'un pot de pois chiches grillés.
Rédigé par : Gerald | 03/07/2012 à 14:41
Bravo ! Tu vas te régaler, l'ami...
Et oui... Un plat de pois chiches grillés, autour d'une assiette de houmous, le tout agrémenté d'un rosé bien frais devraient faire l'affaire !
A très bientôt.
Rédigé par : Jean-Marc à Gérald | 03/07/2012 à 17:48