Ceux qui me connaissent, que ce soit à travers la lecture de mes billets sur ce blogue ou dans le contexte des formations CustomerCentric Selling® que j’assure ici et là savent combien je suis réservé par rapport à l’efficacité des méthodes de prospection articulées autour du BANT. Pour celles et ceux parmi vous qui ne sont pas familiers avec le BANT, sachez simplement qu’il s’agit d’un acronyme pour Budget, Authority, Need et Timeframe – Budget, Autorité, Besoin et Temps. Cet acronyme est encore très communément utilisé dans le cadre d’opérations de prospection en B2B pour savoir à partir de quand un contact argumenté doit être considéré comme une véritable opportunité commerciale. C’est souvent à l’aune de cette grille de lecture que la décision est prise de passer le contact des mains d’un commercial sédentaire ou d’un téléacteur vers un commercial sédentaire.
Avant de décrier cette technique, je voudrais d’abord lui rendre justice. Car, que les choses soient claires : si votre marché s’est banalisé au point où le client n’a pas besoin d’instruire en profondeur le dossier avant de considérer que vous apportez une solution satisfaisant ces besoins et si, en plus, vous jouissez d’une position de leader incontesté sur ce marché, alors, de grâce, continuez de faire du BANT. Ne changez rien ! En effet, comme le marché est banalisé, le client potentiel saura déterminer aisément au sein de quelle catégorie de produit il doit chercher la solution à ses besoins et comme vous êtes le roi de cette catégorie, c’est naturellement vers vous qu’il se tournera pour procéder à l’acte d’achat. Dès lors, dans ce cas de figure très particulier où le marché est banalisé (c’est-à-dire ou vos produits sont devenus des « commodités » en référence au terme anglais « commodity ») et où vous faites référence sur ce marché, votre enjeu se limitera à « choper » les prospects au moment de leur cycle d’achat où ils entrent en phase d’évaluation c’est-à-dire quand ils se doivent, pour faire bonne mesure, de comparer les différentes options se présentant à eux. Une fois les prospects « chopés », il ne restera plus au commercial qu’à porter l’estocade, puisque le prospect sera mûr pour concrétiser son acte d’achat.
Êtes-vous dans ce cas de figure ? Si oui, bravo. Et là, je ne saurais trop vous inviter à faire feu de tout bois en matière de prospection, c’est-à-dire à panacher les démarches classiques d’invitation à des événements de tout poil, avec l’utilisation de tactiques plus sophistiquées comme celle proposée par la société Link4LEAD permettant aux prospects de s’évaluer au regard de l’intérêt qu’ils pourraient avoir à utiliser les produits et services que vous proposez. A l’époque bénie où j’étais directeur marketing chez Business Objects, entre 1997 et 2000, c’est exactement ce que je faisais sur la partie banalisée du portefeuille produits – à savoir autour de l’offre requêtage et reporting - et et je peux vous assurer que se marchait très bien.
Mais observons maintenant le cas de figure où vous n’êtes pas le leader incontesté d’une catégorie de marché banalisée… ce qui, pour reprendre le slogan désormais célèbre des « Occupy Wall Street » représente 99% des sociétés. Et là, je ne saurai trop insister sur le fait que pour ces sociétés, le BANT représente une technique néfaste au pire, stupide au mieux. Je me suis du reste largement exprimé sur ce sujet dans un billet écrit sur cette même tribune il y a de cela quelques mois.
Au lieu de focaliser votre attention sur des projets déjà identifiés et déclarés – comprendre déjà gagnés à la concurrence pour peu que vous n’avez pas été partie prenante dans les phases d’instruction amont – je ne saurais trop vous inviter à changer radicalement votre fusil d’épaule en privilégiant un autre acronyme à 4 lettres : ECHO.
E comme « Enjeu ».
Dans un marché non banalisé impliquant un effort plus important pour le prospect dans la définition de la solution conceptuelle, une attention toute particulière devra être portée aux enjeux métiers à satisfaire. Et là, de deux choses l’une, soit le prospect accepte de partager ses enjeux avec vous et tout va bien, soit il ne le fait pas et là, croyez-moi, ça sent sévèrement le roussi. Autant vous dire qu’à moins de disposer de ressources surnuméraires, vous aurez tout intérêt à ce stade de jeter l’éponge, tant les chances de succès sont infimes.
C comme « Conversation ».
Parfois, les prospects partagent facilement leurs enjeux métier sans que cela indique une volonté sincère d’avancer avec vous. Le deuxième critère devient donc : le prospect est-il prêt à avoir une conversation approfondie avec moi ? Si oui, super ! Si non, méfiance. Faut-il disqualifier l'opportunité pour autant ? Pas si sûr. Voici une méthode astucieuse pour savoir si vous devez ou non disqualifier ou non. Puique votre prospect manifeste un désir mitigé d'avoir une conversation avec vous, pourquoi ne pas lui proposer de s'évaluer en solo au regard des facultés que vous êtes susceptibles d'offrir à l'aune de ses enjeux ? Il y a fort à parier qu'il acceptera la démarche car elle est à la fois respectueuse (vous ne forcez pas votre interlocuteur pour avoir un rendez-vous) et porteuse de valeur (vous permettez au prospect d'approfondir sa démarche de recherche de solution). Vous adressez alors au prospect un lien vers un dispositif d'auto-évaluation bâti par exemple autour de Link4LEAD et vous vous proposez de rappeler pour discuter des résultats de ladite évaluation.
H comme « Heuristique ».
L’heuristique, c’est l’art de trouver les solutions. Le fameux « Eureka » d’Archimède vient de cette même racine grecque. Si la conversation que vous avez avec votre prospect roule sur la recherche de scénarios d’utilisation de votre offre permettant de satisfaire l’enjeu, all good. En revanche, si votre prospect vous demande de décrire votre offre et vous serine pour connaître vos prix, ça sent moins bon… Pire, si à la fin de l’entretien, il vous demande une proposition chiffrée sans que vous ayez au préalable validé les scénarios d’utilisation constitutifs de la solution, vous savez alors que vous allez dans le mur.
O comme « Ouverture ».
A l’issue de l’entretien de recherche de solution (souvent appelé entretien de « découverte », terme auquel je préfère celui de « co-construction »), vous saurez si vous êtes dans la bonne voie si votre interlocuteur vous donne accès aux interlocuteurs clés de son organisation potentiellement impactés par la solution. Si tel n’est pas le cas, hum, c’est peut-être qu’il y a un loup dans la bergerie…
Le BANT a rendu de fiers services durant les années fastes de la fin du siècle dernier lorsque la demande était supérieure à l’offre. Il offrait alors une grille de lecture permettant de passer des projets qualifiés aux vendeurs dont le métier se résumait parfois à prendre des commandes chez des clients qui avaient déjà acheté. Depuis que les courbes de l’offre et de la demande se sont inversées, le BANT ne vaut plus que pour les 1% de sociétés qui sont leaders sur une catégorie de marché banalisée. Pour les 99% qui restent, le BANT est à proscrire avec la plus grande sévérité. Et je vous invite à le remplacer par une approche de type ECHO (Enjeu, Conversation, Heuristique, Ouverture) vous permettant d’inscrire votre différenciation dans les phases les plus amont de réflexion du prospect dans son cycle d’achat.
Bonne rentrée et bonnes ventes !
Jean-Marc,
Vous m'impressionnez habituellement par la qualité de vos analyses et la clarté de votre écriture.
Mais sur la question du BANT qui serait dépassé... déception.
Dire que le BANT est réduit aux produits banalisés oublie que Need suggère de vérifier l'adaptation de l'offre au besoin. Le N est donc décliné en une série de sous questions.
J'ai utilisé le BANT avec succès quand mes équipes vendaient des produits industriels SUR MESURE(!)
La seule faiblesse du BANT est qu'il devrait s'écrire banT.
Je m'explique : la lettre la plus importante est le T pour timing. Combien de fois ai-je vu des vendeurs revenir persuadés que l'affaire était faite "sauf le T un peu incertain". Dans 99% des cas le BAN s'effondrait quand le T était approfondi.
Votre style m'enthousiasme toujours. ;-)
Thierry LAFFIN
Rédigé par : Thierry Laffin | 22/08/2012 à 14:40
Cher Thierry,
Merci pour votre passage sur ce blog et pour votre commentaire élogieux sur mon style.
Pour en venir au fond de votre propos, même si cela va à l'encontre de mon expérience propre, je suis ravi de savoir que le BANT a bien fonctionné pour vous sur des produits non banalisés, puisque sur-mesure.
Cela dit, je suis plus à l'aise avec votre point sur le "T". En effet, dans un cycle d'achat B2B traditionnel, le prospect traite les différents éléments en séquence. En préalable (et cela ne figure pas dans l'acronyme BANT), il y a la reconnaissance d'un enjeu suffisamment important pour nécessiter l'effort consistant à rechercher à l'extérieur des solutions. Puis vient la formalisation conceptuelle du besoin (le fameux Need). Cette activité est en général réalisée par les bénéficiaires de la solution recherchée. Lorsque le travail conceptuel autour de la définition du besoin (et donc sa formalisation sous la forme d'une solution théorique) est terminé, il y a un phénomène qui passe souvent inaperçu : le passage de témoin des bénéficiaires (aussi appelées maîtrises d'ouvrage) vers les maîtrises d'oeuvre. C'est en passant le témoin aux maîtrises d'oeuvre que les maîtrises d'ouvrage se départent de deux attributs clés de leur pouvoir : l'argent (sous la forme d'une allocation budgétaire) et un brin d'autorité (sur l'air de "tant que ça rentre dans le budget, vous êtes autorisé à signer"). Sur le volet "temps", les maîtrises d'ouvrage ont tendance à dire "le plus tôt est le mieux". Pourquoi ? Parce que ayant été parties prenantes dans la formalisation du "besoin" et la définition conceptuelle de la "solution", elles visualisent la VALEUR de cette dernière. Et si valeur il y a, alors le plus tôt la solution sera effective, le plus vite l'organisation bénéficiera de ladite solution.
Hélas, les choses ne sont pas si simples pour les maîtrises d'oeuvre.
D'un, parce que n'étant pas bénéficiaires de la solution, elles ne retirent pas de valeur particulière de la mise en place de la solution. Elle ne sont donc pas aussi pressées que leurs homologues de la maîtrise d'ouvrage.
De deux, parce que leur responsabilité de mise en oeuvre exige une attention aux détails souvent de nature chronophage.
Et de trois, parce que les maîtrises d'oeuvre n'ont qu'une autorité de délégation, correspondant à celle que les maîtrises d'ouvrage auront bien voulu leur donner pour mener à bien la phase d'évaluation des différentes options disponibles.
C'est là encore une raison additionnelle qui justifie ma défiance vis-à-vis du BANT. Le BANT permet de générer des opportunités sous la forme de "projets" dont le niveau d'instruction est déjà suffisant pour être documenté et faire, par exemple, l'objet de la rédaction d'un cahier des charges. Le suivi de ces projets est souvent laissé à des interlocuteurs délégués, souvent affublés du titre de "chef de projet" mais dont le pouvoir de décision est rigoureusement cloisonné à (i) une enveloppe budgétaire, (ii) une délégation de signature sous réserve du respect du budget et (iii) un devoir de rendre compte aux bénéficiaires. Comme ces personnes ne sont pas responsabilisées dans la définition de la solution au sens CONCEPTUEL du terme, elles ont souvent du mal à en apprécier la VALEUR. Et sans perception de la valeur, elle auront toutes les peines du monde à justifier l'URGENCE, c'est-à-dire la nécessité de raccourcir au mieux les délais de mise en oeuvre.
Voilà à mes yeux la raison pour laquelle vous avez plus que raison d'écrire le "T" de "banT" en majuscule.
Au plaisir de connaître votre réaction.
Bien à vous
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Thierry Laffin | 22/08/2012 à 18:07
Jean-Marc,
pouvez-vous detailler ce que vous entendez par "s'évaluer en solo"?
Est-ce que l'idee est d'envoyer au prospect une grille d'analyse de ses besoins?
Est-ce que le prospect ne risque pas d'etre mefiant vis-a-vis d'un questionnaire elabore par un fournisseur. Mon experience est que tout fournisseur va "orienter" le questionnaire pour mettre en avant les points de fort de son produit, et passer sous silence les points faibles de son offre.
Encore merci pour votre blog.
Rédigé par : Stephane Monsallier | 27/08/2012 à 02:11
Stéphane,
Merci pour votre commentaire.
L'idée fondamentale derrière le fait de "s'évaluer en solo" consiste à proposer au prospect d'apprécier son statut ou son positionnement sur un sujet bien particulier.
En guise d'illustration, supposons que vous disposiez d'une offre permettant à vos clients d'améliorer la productivité des ventes à travers une meilleure conduite des interactions commerciales.
L'approche traditionnelle consiste à solliciter directement les personnes appartenant à la cible. Or, il s'avère que ce type de mise en relation agace, le plus souvent. C'est pourquoi je préconise plutôt le fait de donner la main au prospect afin qu'il apprécie par lui-même l'intérêt ou non d'accepter la mise en relation avec vous. Comment ? En lui offrant l'opportunité de s'évaluer à travers un dispositif dédié. L'accroche ressemblera à quelque chose comme : "Que valent vos interactions commerciales ? Evaluez-vous !" En cliquant sur l'accroche, le prospect se voit proposée une série de situations et pour chacune d'elle, il devra sélectionner le comportement qui lui correspond le mieux : http://www.mysmartaudit.net/link4lead/760/que-valent-vos-interactions-commerciales/
A l'issue de son évaluation, le prospect visualise à l'écran un rapport sous la forme d'un diagnostic avec une note d'appréciation générale et une série d'axes d'amélioration.
L'expérience montre qu'après avoir vécu cette expérience, les prospects sont beaucoup plus enclins à avoir une conversation avec vous et/ou vos commerciaux. Mieux, comme l'expérience qui leur a été proposée les aura aidé à progresser dans leur réflexion sur le sujet proposé, ils auront envie d'aller le plus loin possible avec vous. Cela se traduit le plus souvent de façon très factuelle par une augmentation des taux de conversion.
En synthèse... En incluant un dispositif d'auto-évaluation dans la démarche de mise en relation en phase de prospection, vous rendez gratifiante une expérience trop souvent considérée comme frustrante.
Maintenant, pour répondre précisément à votre question, l'expérience me dit que l'utilisation de cette méthode permet de lever les barrières traditionnelles observées en phase de prospection, notamment les sentiments de méfiance, voire de défiance.
N'hésitez pas à revenir vers moi si vous souhaitez que nous en parlions plus amplement.
Bien à vous.
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Stéphane Monsallier | 28/08/2012 à 16:28
bel article
Rédigé par : Sandrine | 28/01/2013 à 16:45