C'est un véritable paradoxe.
D'un côté, il apparaît que les commerciaux ont un rôle de plus en plus réduit dans la conduite par les clients de leur cycle de prise de décision d'achat. Dans une étude publiée récemment par le Corporate Executive Board visant à analyser le comportement d'achat des clients B2B - "Drive Growth by Challenging Customers" - il s'avère, qu'en moyenne, les clients B2B ont réalisé près de 60% de leur cylce d'achat avant de solliciter l'intervention d'un fournisseur potentiel. 57% pour être très précis.
Mais là où les choses deviennent captivantes, c'est qu'à la question de savoir quels sont les facteurs qui influencent le plus la décision d'achat, le Sales Executive Council, qui dépend du même organisme, révèle qu'il s'agit... de l'interaction commerciale, autrement appelée expérience de vente ou d'achat. Ce facteur va même jusqu'à expliquer plus de 50% de la motivation d'un client à acheter à tel fournisseur plutôt qu'un autre. Loin devant le ratio valeur estimée ramenée à l'investissement (9%), la qualité du service perçue (19%) ou l'image de marque (19%).
En première lecture, je restai perplexe.
En deuxième lecture, je me posai la question : et si l'explication de ce paradoxe apparent était à chercher dans une transformation complète des attentes de la clientèle vis-à-vis des représentants commerciaux ? Et si le rôle traditionnel de pourvoyeur d'informations produits traditionnellement dévolu au commercial était mort ? Et si, à la place d'un déballage d'informations, les clients préféraient désormais se voir impliqués dans des interactions plus controversées avec des commerciaux en mesure de bousculer les idées reçues ? N'assisterions-nous pas à la disparition progressive du vendeur "pousseur de slides" au profit du commercial "agent de perturbation" ?
C'est en tout cas l'opinion développée par Matthew Dixon et Brent Adamson dans un papier passionnant publié sur le blog de la Harvard Business Review et intitulé "The Worst Question a Salesperson Can Ask" - la pire question qu'un commercial puisse poser. Dans ce papier, les auteurs relatent le cas de la société Grainger, prestataire de maintenance spécialisé dans la fourniture de pièces détachées. Dans le passé, les représentants de la société Grainger étaient formés à se faire les ambassadeurs de la qualité de service fournie et de la puissance opérationnelle de leur employeur - nombre de références produits gérées, volume du stock, temps moyen d'approvisionnement, etc. Mais désormais, après avoir testé plusieurs approches, les commerciaux partagent avec leurs clients des informations sensibles sur la façon dont Grainger a pu aider certains de ses clients à optimiser leur dépense en maintenance. Plutôt que de tenter de convaincre les clients de faire appel à eux au nom de leur savoir-faire en qualité d'opérateur de maintenance, ce qui aboutit inévitablement à une discussion sur les prix, les vendeurs de Grainger affolent d'abord leurs clients en leur montrant le poids des achats de pièces non programmés dans le coût total des opérations de maintenance, puis évoquent une façon de réduire cette facture de 40% en faisant appel aux services de la société.
La perspective est bien différente, n'est-ce pas ?
Et vous, quel est votre avis sur ce paradoxe ?
A la source de ce billet, une interview de Matt Dixon à la HBR. C'est ici : http://blogs.hbr.org/ideacast/2012/08/the-new-sales-playbook.html
Rédigé par : Jean-Marc | 27/10/2012 à 00:04
Merci pour cet article très intéressant. Je souscris à cette vision du commercial "agent de perturbation" et il me semble que pour cela, le commercial doit posséder deux compétences spécifiques.
1 : la capacité à intervenir très tôt dans le cycle de décision d'achat. concrètement, ne pas attendre l'appel d'offres... cela a toujours été vrai, cela devient incontournable.
2 : des qualités comportementales différentes. la capacité à faire douter le client, à co-construire, à challenger. tout ceci est très loin du commercial sur de son offre et de ses forces.
Rédigé par : GAELLE MENIN | 10/01/2013 à 12:44
Chère Gaëlle,
Merci pour votre commentaire.
En effet, nous sommes bien loin des approches très directives enseignées ad libitum dans la plupart des cours de vente.
Au plaisir de vous retrouver sur ces rubriques,
Bien à vous
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Gaëlle Menin | 20/01/2013 à 18:35