Il y a un peu plus de deux ans, je fus sollicité par H., le directeur général d'un éditeur de logiciels spécialisé dans le domaine de la virtualisation. H. me fit part d'un enjeu peu ordinaire. Ses commerciaux vivaient dans un véritable pays de Cocagne : pour faire leur chiffre, il se contentaient, sur le produit phare proposé par l'éditeur, de prendre les commandes de clients qui n'avaient besoin de personne pour être convaincus de l'intérêt d'acheter. Il faut dire que la société était (et est toujours) reconnue pour la grande qualité de son offre, son avance technologique indéniable pour ce qui a trait au thème de la virtualisation. Forte alors d'une part de marché de plus de 80%, aucun concurrent sérieux ne semblait en situation de la menacer à court ou moyen terme.
En réalité, la menace était ailleurs, me confia H. La conséquence du fait d'avoir plébiscité l'offre proposée par l'éditeur était que le taux d'équipement, au moins sur les grands comptes, frisait la barre des 100%. Et comme le siège américain continuait de réclamer à la filiale française des taux de croissance de l'ordre de 30% par an, H. anticipait la venue de temps pour le moins difficiles.
Bien sûr, sa force commerciale disposait, aux côtés du produit phare, de nombreuses offres en catalogue. Pourtant, le chiffre d'affaires cumulé de l'ensemble de ses offres excédait à peine les 10% du revenu total.
H. me soumit son enjeu en termes très clairs : voir la contribution relative des nouveaux produits passer à 30% en 12 mois et à 50% à un horizon de 24 mois tout en maintenant une croissance, certes modeste mais croissance tout de même, sur l'offre coeur de métier. Mine de rien, cela représentait un triplement de la performance sur les produits nouveaux dès la première année. Une paille !
Comment y arriver ? Après de multiples conversations, nous identifiâmes ensemble que l'atteinte de l'objectif passait par une triple modification du comportement des vendeurs :
- S'adresser à des interlocuteurs autres que les personnes avec lesquelles ils avaient coutume de dialoguer ;
- Savoir présenter les offres nouvelles de manière contextuelle, c'est-à-dire sous la forme de scénarios d'utilisation, plutôt qu'à en vanter les attributs techniques ;
- Porter un discours orienté valeur auprès des DSI.
A travers un effort de formation personnalisé, ce sont précisément ces facultés que j'apportai dans la corbeille de la mariée. Au-delà des aspects théoriques liés à la façon d'aider le client à visualiser les usages et les bénéfices des nouvelles offres, les commerciaux eurent le loisir d'apprécier la dynamique des conversations nouvelle mouture en les pratiquant sous la forme de jeux de rôle. A l'issue de la formation, le management commercial, dûment secondé par les ressources humaines, porta une attention toute particulière à ce que les acquis ne s'effilochent pas au fil du temps : des séances régulières de mises en situation permirent aux vendeurs de peaufiner leur savoir-faire en maïeutique commerciale. Finis les slide-decks rébarbatifs, plus d'appel à des experts techniques parfois trop enclins à étaler leur connaissance à coups d'acronymes aussi obscurs dans leur forme abrégée que développée ! A travers un questionnement approprié, les commerciaux se rendaient compte par eux-mêmes de l'importance qu'il pouvait y avoir à associer le client dans la démarche de construction de la solution. Après tout, seuls les clients étaient légitimes dans le fait s'associer un pronom possessif au substantif *** SOLUTION ***. Là encore, on était bien loin des fameux inventaires à la Prévert de fonctionnalités... avec ou sans raton laveur !
Récemment, alors que je faisais le point avec H. sur l'apport du travail réalisé en commun auprès de ses équipes, il me révéla avoir dépassé de façon constante les attentes de la maison-mère en termes de chiffre d'affaires. Quant à la contribution des nouveaux produits dans le chiffre, elle dépassait désormais les 50% et avait même atteint 70% un trimestre.
Que demande le peuple ?
Commentaires