Vous connaissez sans doute la boutade : les seules personnes qui
vont sur votre site web et s’intéressent à vos contenus sont… vos concurrents.Cela prête à rire. Pourtant, derrière le bon mot se cache une vérité difficile
à admettre : à force de concevoir des sites web panégyriques complaisants de
vos savoir-faire et jolie vitrine de vos offres, vous attirez très logiquement les
gens intéressés par… vos savoir-faire et vos offres. A savoir, vos concurrents[1]. Qu’on
se le dise une bonne fois pour toutes : vos clients n’ont que faire de
savoir combien vous êtes beaux, grands, forts et bien bâtis ; ils se
contre-fichent de savoir combien vos offres sont innovantes, à la pointe,
ergonomiques et faciles d’utilisation. Vos clients sont de grands égoïstes
animés par la seule satisfaction de leurs intérêts. Et leurs intérêts n’ont
rien à voir avec vous. Ils ont à voir avez eux-mêmes, leur quotidien, dans le
cadre d’une représentation parfaitement nombriliste du monde. Alors autant vous
dire que si vous, de votre côté, vous opposez à la vision nombriliste du monde de
vos clients, votre propre représentation égocentrée, cela va conduire
immanquablement au creusement d’un grand fossé d’incompréhension.
Comment sortir de l’impasse dans laquelle nous ont plongés de conserve des départements marketing trop souvent ignorants des enjeux clients et des agences digitales obsédées par des sujets périphériques comme l’esthétisme des pages, l’optimisation du référencement naturel entraînant une surabondance artificielle de termes ‘‘jargonneux’’ ou des indicateurs superfétatoires – vanity metrics – comme le nombre de visites ? Tout simplement en faisant de votre site web une passerelle entre votre univers et celui du client. Plus facile à dire qu’à faire ? Oui. Alors plutôt que vous infliger un long exposé rébarbatif sur la structure idéale d’un site web orienté client, je vous propose un parcours guidé sur le site d’une société ayant réalisé un travail tout à fait remarquable en la matière : AUGURE.
AUGURE est un éditeur de logiciels permettant à des professionnels de la communication d’augmenter l’efficacité de leurs relations médias. Or la dernière version du site que la société vient de rendre publique prend par bien des aspects le contre-pied des approches traditionnelles centrées sur l’offre pour proposer une navigation spécialement conçue à l’attention des interlocuteurs cibles pouvant trouver un intérêt à l’utilisation d’AUGURE.
Dès la page d’accueil, vous êtes invité(e) à choisir une fonction correspondant à votre profil.
Vous découvrez alors les 5 types d’interlocuteurs potentiellement bénéficiaires de l’utilisation d’AUGURE :
- Les directeurs de la communication, familièrement appelés ‘dircoms’ ;
- Les responsables des relations presse ou RP ;
- Les dirigeants d’agence de relations presse ;
- Les attaché(e) de presse ;
- Les directeurs marketing et communication ou marcoms.
Afin de suivre la logique de navigation proposée par AUGURE, faites comme si vous étiez responsable RP. L’objectif proposé est celui d’améliorer le ROI de vos campagnes de communication. Cela vous parle. Vous cliquez.
A ce moment, vous voyez apparaître à l’écran une fiche associée au couple fonction/enjeu choisi – responsable RP désireux d’améliorer le ROI de ses campagnes de communication.
La fiche est particulièrement bien construite. Dans la partie haute, vous trouvez, exprimées sous la forme de questions, les difficultés typiques éprouvées par la fonction choisie dans l’atteinte de l’objectif considéré. Ce faisant, en tant qu’internaute, vous pouvez tout de suite apprécier si les gens d’AUGURE comprennent votre métier et l’environnement dans lequel vous évoluez. Dans la partie basse de la fiche, le propos se veut plus rassurant en insistant sur le fait que vous n’êtes pas seul dans la galère. D’autres sont passés par là et ont pu surmonter les difficultés en question grâce à l’utilisation d’AUGURE.
Si vous vous reconnaissez toujours dans la navigation proposée par AUGURE et que vous avez pu confirmer que vous partagiez le même type d’objectif d’amélioration que celui proposé, vous découvrez alors une série de scénarios d’utilisation de l’offre applicables au contexte choisi.
Vous apprécierez combien ces scénarios sont explicites. Une attention très particulière a été portée à les contextualiser dans le temps et à associer à chaque contexte spatio-temporel la description d’une action impliquant un être en chair et en os effectuant une manipulation particulière de l’application AUGURE. C’est un modèle du genre ! Les scénarios sont tellement clairs que vous pourriez vous en inspirer pour rédiger votre propre cahier des charges. La société vous assiste dans votre effort de définition d’une solution…
Enfin, après la reconnaissance d’objectif et le développement de la solution, vous pouvez aller encore un cran plus loin en accédant à une série de témoignages sous forme de textes ou de vidéos illustrant comment d’autres personnes partageant la même fonction et le même objectif s’y sont prise dans la vraie vie.
D’un point de vue psychologique, ces témoignages – que nous pourrions qualifier de réalisations probantes – jouent le rôle de la preuve comme quoi tout ce qui aura été vu auparavant en termes de construction de la solution autour des scénarios d’utilisation est accessible. Ils agissent comme une forme de réassurance : après tout, d’autres sont passés par là ; il n’y a donc pas besoin de payer les pots cassés…En adoptant sur son site web une approche résolument tournée vers les clients, leurs objectifs, leurs préoccupations et les scénarios d’utilisation les plus appropriés à la construction d’une solution, AUGURE casse le moule de 20 ans de sites vitrines, dégorgeant en HTML et en Flash des contenus auto-promotionnels. Grâce au fait d’offrir ces scénarios de navigation collant au monde du client, la société atteint trois objectifs de façon concomitante :
- Apporter de la valeur à des prospects en phase de recherche d’une solution par rapport à des enjeux bien précis d’accroissement de l’image de marque, de meilleure maîtrise de ce qui se dit sur la marque sur les réseaux sociaux ou de rentabilité accrue des actions de communication ;
- Passer au tamis les personnes se rendant sur le site pour garder les personnes correspondant à la cible des interlocuteurs clés, c’est-à-dire ceux avec lesquels – de par leur fonction et leurs enjeux – AUGURE souhaite établir des relations commerciales ;
- Se différencier par rapport à la concurrence opérant encore dans le ‘‘vieux’’ cadre consistant à vanter par le menu les mérites d’une offre technique ex abrupto, c’est-à-dire sans le moindre égard pour la réalité du client.
Le seul regret que j’ai pu avoir en parcourant le nouveau site d’AUGURE est dans le choix des ‘‘calls to action’’ soit, faute de disposer d’une traduction satisfaisante en français, des boutons d’incitation à l’action. En effet, le fait de proposer trop souvent ‘DECOUVREZ NOTRE LOGICIEL’ ou encore ‘DEMANDEZ UNE DEMO’ consiste à retourner dans les travers des approches centrées produit. Pourquoi ne pas proposer plutôt des mises en relation directes avec des commerciaux pour poursuivre la conversation si élégamment suggérée à travers la navigation centrée client sur le site ? Ou à défaut, pourquoi ne pas aider le client à aller un pas plus loin dans sa montée en maturité sur le thème proposé en lui offrant la possibilité de s’évaluer et de se confronter aux meilleures pratiques de l’industrie, avec un dispositif construit par exemple autour de Link4LEAD ?
Vous allez certainement penser que je suis un ayatollah des approches centrées client ? Oui, c’est possible. Après tout, les études sont là désormais pour montrer combien elles sont porteuses de valeur. Alors quitte à s’engager dans cette voie, autant y aller à fond[2]. Et la mise en application de cette philosophie sur leur nouveau site web constitue, de la part d’AUGURE, une prise de position aussi courageuse qu’exemplaire.
[1] Aux côtés des concurrents, j’aurais aussi tendance à ajouter deux autres catégories d’individus visitant assidument votre site : les prospects qui ne veulent pas acheter chez vous (s’intéressent à vous simplement pour élargir le spectre des sociétés invitées à participer à un appel d’offres après avoir ‘bétonné’ le cahier des charges avec un fournisseur de référence) et ceux qui ne peuvent pas acheter (étudiants, consultants indépendants, personnes à responsabilité latérale comme des acheteurs, des chefs de projet informatiques ou des consultants de SSII devant rapidement se faire la main sur votre offre après avoir été vendus comme experts).
[2] Vous voudriez savoir ce que votre site web révèle de votre niveau d’orientation client. Je vous invite à faire le petit test suivant :
- Rendez-vous sur votre page d’accueil de votre site
- Considérez les onglets principaux de navigation proposés à vos visiteurs
- Dénombrez-les (T = __)
- Déterminez le nombre d’onglets faisant référence à votre monde. C’est simple, ce sont ceux pour lesquels vous pouvez rajouter le pronom possessif notre/nos avant. Exemple : l’onglet PRODUIT est clairement égocentré, puisqu’il s’agit bien de ‘‘notre’’ PRODUIT. Dénombrez-les (N = __)
- Vérifiez que le nombre d’onglets restants (V = T-N) correspond bien à des centres d’intérêt clients (Exemple : FONCTION / OBJECTIF / PROBLEMES / CE QUE DISENT VOS CONFRERES / VOS INTERLOCUTEURS)
- Calculez le ratio V divisé par T (R = V/T). Il vous donnera votre degré d’orientation client, votre niveau de tropisme vers l’autre, ou encore, pour faire savant, d’allocentrage.
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