Les ateliers de formation que je dispense autour de la méthodologie CustomerCentric Selling® durent généralement entre 3,5 et 4 jours, selon le nombre de participants. Le dernier jour est très particulier. En effet, c’est le moment où je “passe le témoin”. Et c’est toujours un moment fort d’émotion pour moi, car je sais qu’après avoir exposé les activités clés à réaliser dans les 30 jours qui suivent la formation, la balle sera définitivement dans le camp du client. À partir de cet instant précis, les résultats m’échappent ; ils dépendent entièrement de la façon dont l’organisation s’appropriera la méthode et du sérieux avec lequel l’équipe de management veillera à la bonne exécution des principes enseignés lors de la formation.
C’est un moment de solitude pour moi : je me sens un peu comme une mère poule qui verrait ses poussins sortir de l’enceinte protectrice du poulailler pour batifoler dans la cour de la ferme battue aux quatre vents. Or, ce sentiment de solitude n’est égalé en intensité que par celui de désarroi de la personne qui, côté client, joue le rôle du chef de projet. Pour elle, jusqu’à la formation des vendeurs et de leurs managers, la voie était toute tracée. Elle savait pouvoir compter sur la troupe CustomerCentric Selling® pour que l’expérience soit riche et gratifiante. Mais, à la fin du cours, en voyant les participants s’égailler dans la nature et revenir à “la vie normale”, elle sait que désormais, ce sont sur ses épaules que repose l’appréciation du succès ou de l’échec de l’initiative.
Au gré de mes multiples interventions, j’ai pu constater quelques evidences. D’abord et ce ne sera une surprise pour personne, c’est durant les 60 jours qui suivent la fin de la formation que tout se joue. Sans accompagnement rigoureux, l’initiative fera long feu et viendra peupler le cimetière des bons moments passés ensemble mais dont on se demande après coup à quoi ils pouvaient bien servir. La deuxième évidence, c’est qu’il faut impérativement un chef de projet dédié à la mise en oeuvre de l’initiative, quelqu’un de respecté au sein de l’organisation et qui ait un blanc seing de la direction générale pour intervenir partout au sein de l’organisation. Ce qui est moins évident en revanche, c’est la nature des activités à mettre en branle pour faire décoller les choses.
Au fil des interventions et sur base de ma propre experience – j’ai eu l’occasion par le passé de jouer ce rôle de chef de projet chez un grand éditeur de logiciel dans le cadre du déploiement du processus de vente au niveau européen – j’ai observé qu’il y avait quatre activités clés à mettre en oeuvre pour que l’initiative soit positionnée sur les bons rails :
- Recueillir les petites victoires. Le chef de projet portera une attention toute particulière à recueillir dès le premier jour les succès – petits ou grands – qui émailleront le début de la phase de mise en oeuvre. Pour ce faire, il lui faudra tout d’abord négocier une tribune au sein d’une instance de communication déjà fixée, comme par exemple, disposer de 15 minutes lors de la conférence téléphonique hebdomadaire réunissant les patrons de pays et consacrée à la remontée des chiffres des ventes. Une façon astucieuse de mettre tout le monde à contribution consiste à demander à chacun des participants à la conférence d’indiquer, la première fois, quelles sont les 3 actions clés qu’il/elle entend mener la semaine qui vient et qui renvoie à l’application de la méthode enseignée. Le fait d’instancier ces actions (de préférence en les documentant et en les partageant avec les interessés) présente un triple avantage. D’un côté, cela permet de mettre la structure en mouvement immédiatement après la formation. Ensuite, c’est le moyen de découvrir des choses souvent inattendues – les fameuses petites victoires auxquelles je faisais allusion. Enfin, cette démarche a le grand mérite de créer une saine émulation entre les personnes. Car comme de bien entendu, lorsque vous demandez à un groupe de personnes ce que chacun fait de bien dans l’application de la nouvelle méthode de vente, personne ne veut être en reste.
- Constituer un catalogue de réalisations probantes. Une fois recueillies les petites victoires, vous vous assurerez de les documenter sous la forme d’histoires révélatrices pour mettre en évidence les succès remportés par telle ou telle personne dans l’application de la méthode. Ces histoires servent à faire la preuve que “Oui, le changement est possible. Certains sont là pour en témoigner.” Faites-les connaître. Diffusez-les amplement sur l’ensemble de vos canaux de communication : intranet, blogs, réseau social d’entreprise. Ces histoires sont le sang qui va donner vie à ce que vous faites. Elles sont le pont entre la théorie enseignée et la pratique, entre les rondeurs de la vision idéale et les asperités du quotidien. À noter également qu’au fur et à mesure de la constitution de votre catalogue d’histoires, vous étaierez le dossier d’établissement du ROI de l’initiative.
- Façonner des héros. À ce stade, vous disposez d’un recueil d’histoires comme autant de preuves palpables que la nouvelle façon de faire est tout ce qu’il y a de plus réalisable, qu’elle appartient déjà au quotidien de certaines personnes au sein de votre organisation. C’est le moment de transformer chacun des protagonistes de vos histoires en héros d’un changement plus grand en gestation. Je me souviens encore d’un petit jeu que j’avais mis en place quand j’opérais comme chef de projet européen en charge de la mise en place du nouveau processus de vente chez un grand éditeur de logiciels. Chaque mois, un jury de grands patrons choisissait, parmi les histoires du mois écoulé, celle qui était la plus exemplaire des nouveaux comportements attendus pour conduire la transformation en cours. Le protagoniste de cette histoire était ensuite gratifié d’un cadeau symbolique – souvent une bouteille de champagne – et d’un droit d’antenne interne de 15 minutes pour exposer son histoire auprès de ses pairs. Vous ne pouvez pas imaginer combien cela pouvait avoir d’impact !
- Constuire le grand récit. Vous êtes désormais rendu au point de bascule de la phase de transition. C’est là que l’organisation hésite et marque le pas, comme un chien de chasse à l’arrêt. À ce moment charnière existe un équilibre instable entre d’un côté, ceux qui sont acquis à votre cause – le groupe des héros, notamment – et celui “timorés” ou des “héritiers”, ces personnes qui estiment ne rien avoir à gagner en changeant leur comportement. C’est là précisément qu’il importe de frapper un grand coup à travers ce que j’appelle la construction du “grand récit”. Ce grand récit s’alimente de toutes les histoires accumulées jusqu’à présent, s’appuie sur la figure de tous ces héros anonymes pour mettre en lumière un sens, une cohérence, une logique irrésistibles. Porté par le management, le grand récit donne la direction dans laquelle la société et en montre le caractère inexorable. Ceux qui pouvaient encore manifester des réticences à ce stade sont mis au pied du mur. À compter de ce moment, soit ils basculent, soit ils quittent le navire tant qu’il est au mouillage. Car maintenant, l’appareillage est une certitude absolue. Et c’est maintenant !
Naturellement, en parallèle de ces 4 activités clés, il y aura toute une série de projets d’alignement à mener, qu’il s’agisse, par exemple, d’harmoniser le plan de rémunération variable à l’aune des nouvelles exigences managériales, de revoir la politique de recrutement des vendeurs pour s’assurer que les nouveaux venus donnent le meilleur d’eux-mêmes dans un environnement “processé” ou, tout simplement, de veiller à ce que le système d’information reflète la nouvelle version du processus de vente. Ces projets d’alignement sont nombreux car ils touchent pour ainsi dire toutes les fonctions vitales de l’organisation. Mais, comme leur nom l’indique, il s’agit de projets. À la condition de leur allouer les ressources nécessaires et suffisantes en termes, ils pourront être menés à leur terme sans trop de difficultés. Quelle que soit leur destinée, ce n’est pas de leur succès que dépendra la viabilité dans la durée de l’initiative.
Vous l’aurez compris, la pérennité de l’initiative repose sur une modification en profondeur du comportements des acteurs. Et cela passe par beaucoup de psychologie et de doigté, pour que les petites victoires accumulées au début de la phase de mise en oeuvre viennent alimenter le grand récit d’une transformation inexorable en marche.
Merci jean-marc pour cet article qui me permet de continuer ma route vers la transformation ! Yeah !
Rédigé par : Céline MÉNARD | 05/11/2013 à 21:18
Bonjour Céline,
Heureux de te retrouver sur cette tribune.
Sache que j'ai entendu des choses extrêmement encourageantes sur ce que vous êtes en train de réaliser dans le Nord autour de l'utilisation de la méthode.
J'en suis ravi.
The show must go on ;-)
Au plaisir de te revoir,
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Céline Ménard | 06/11/2013 à 10:33