Il est monnaie courante de dire que Steve Jobs faisait partie de ces innovateurs de génie qui, à l'image d'un Henry Ford au démarrage de l'indutrie automobile de masse, se contre-fichait de l'avis des clients tant il était sûr de ses intuitions. Quelle ne fut pas ma surprise de constater, à la lecture de sa biographie écrite par Walter Isaacson, que tel ne fut pas toujours le cas.
Voici en particulier un extrait de l'ouvrage en pages 595-596 alors que les dirigeants de la maison à la pomme réalisent un Apple Store témoin devant servir de modèle, de patron. Je cite :
"L’intuition nocturne de Ron Johnson était que les Apple Store ne devraient pas s’agencer en fonction des quatre grandes gammes d’ordinateurs, mais des désirs et des besoins des clients. Par exemple, il devrait y avoir une vitrine vidéo avec divers Mac et PowerBook affichant iMovie, pour montrer à l’utilisateur comment importer des vidéos et les éditer.
Johnson arriva au bureau très tôt le lendemain matin, et raconta à Steve Jobs la brusque révélation qu’il avait eue, à savoir qu’il fallait reconfigurer entièrement le magasin. Il avait eu vent des rumeurs concernant le tempérament impétueux du patron, mais n’en avait jamais fait l’expérience – du moins jusque là. Car Jobs explosa : « Tu te rends compte de l’énormité de ce changement ? Je me tue à la tâche depuis six mois pour ce magasin et maintenant tu veux tout changer ? » Puis il se calma brusquement. « Je suis fatigué. Je ne sais pas si je peux recréer un magasin du tout au tout. »
Johnson était pétrifié. Au moment de partir pour la réunion prévue le jour même au magasin témoin, Jobs lui demanda de garder le silence – pas un mot, ni à lui, ni à aucun membre de l’équipe. Le trajet en voiture de sept minutes se déroula donc dans un silence de plomb. Une fois à destination, le patron d’Apple avait terminé le traitement des nouvelles données. A la grande surprise de Johnson, il ouvrit la séance par le discours suivant : « Ron pense que nous allons dans la mauvaise direction. Le magasin devrait être agencé non pas autour des produits, mais des centres d’intérêt des clients. » Après une pause, il reprit : « Et vous savez quoi ? Il a raison. » (fin de citation)
Alors, si même Steve Jobs le dit, qu'est-ce qui fait que tant de vendeurs continuent de structurer leur démarche autour de leurs produits, au plus grand mépris des usages présumés des clients ?
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