Lors d'une récente escapade napolitaine, je suis tombé sur cette petite affichette. Pour ceux d'entre vous qui n'êtes pas à tu et à toi avec la langue de Dante, il y est dit en substance la chose suivante :
"Le client a toujours raison, voilà bien une expression inventée par un client. Le client qui a raison, c'est celui qui fait preuve de courtoisie, de respect et de compréhension face à quiconque effectuerait pour lui un travail pour lequel il n'est pas compétent".
Ce petit manifeste m'a rappelé ce restaurateur niçois, qui, il y a 18 mois, avait fait parlé de lui pour avoir fait varier le prix du café en fonction du degré de civilité de ses clients.
Dans les deux cas, le message est clair et je pourrais le résumer par cette phrase : "en tant que prestataire, on en a marre de servir des clients qui s'abritent derrière le fait qu'ils payent pour justifier leur manque de politesse élémentaire." Ou pour faire encore plus simple : "Cher client, si tu veux être bien servi, commence par te comporter de façon urbaine".
Si je partage l'idée maîtresse de ces deux expressions d'aspiration au maintien de la dignité dans l'interaction client-fournisseur, je crois qu'elles ne traitent pas le point dur qui se cache derrière l'adage selon lequel le client aurait toujours raison.
L'adage véhicule une idée très simple : celui qui a l'argent a tous les droits. Elle est la porte grande ouverte à toute les perversions, tous les abus. La photo publiée récemment lors du festival de Cannes montrant deux jolies jeunes filles arborant un panneau "invitations contre faveurs sexuelles" montre à l'envi l'obscénité qui affleure derrière le principe en apparence inoffensif selon lequel le client (celui qui détient l'objet désiré) est roi.
Car si le client est détenteur du bien convoité - l'argent ou l'invitation - dans nombre de cas, c'est le vendeur qui est créateur de richesse par son savoir-faire. Là encore et toujours dans un souci de simplification, je dirais que si c'est le client qui apporte l'argent dans l'échange, c'est le vendeur qui est en mesure d'apporter la valeur que brigue le client. Mieux, je dirais qu'il n'y a d'échange marchand possible que si le vendeur apporte une valeur dont le montant, dans les yeux du client, excède le prix que ce dernier est prêt à dépenser.
Est-ce à dire qu'il y a lieu de retourner l'adage et de dire que "le vendeur a toujours raison". Certainement pas. Ce ne serait que faire circuler le jeton de la soumission vénale d'une main à une autre sans remettre en cause ce qu'il y a de vicié, à savoir le principe de soumission assumée. Je serais plutôt enclin à voir disparaître l'utilisation de cette expression tant ses connotations sont déplaisantes. Car qu'est-ce qui nous empêcherait de rechercher une relation équilibrée, courtoise et civile entre vendeur et client fondée non plus sur l'exercice du pouvoir abusif de qui détient l'argent, mais sur la recherche sincère des raisons de l'échange, de sa raison d'être ?
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