Il y a un grand émoi en ce moment au sein de la communauté de ceux qui suivent l’évolution des métiers de la vente depuis la publication par le cabinet d’analyse Forrester Research d’une étude mettant en avant le fait que, d’ici 2020, sur le seul territoire des Etats-Unis, 1 million de commerciaux B2B allaient perdre leur job. Au profit de qui ? Des automates de vente intégrés dans les sites web ! A l’origine de cette prédiction, le constat que le fossé entre les attentes des clients et les compétences des commerciaux ne cesse de se creuser. L’ombre du Turc mécanique remis au goût du jour par Amazon refait surface.
Dans l’étude de Forrester Research, il est évoqué que cette baisse du nombre de vendeurs est tout sauf uniforme ; elle dépend largement de la nature de l’interaction commerciale. Les auteurs distinguent en effet deux variables de discrimination principales :
- le degré de complexité de l’environnement client
- le degré de complexité de l’offre proposée
En croisant ces deux dimensions, les auteurs de l’étude mettent en évidence 4 profils génériques de vendeurs correspondant aux cadrans suivants :
- environnement client simple et offre simple : les « preneurs d’ordre »
- environnement client simple et offre complexe : les « ingénieurs »
- environnement client complexe et offre simple : les « navigateurs »
- environnement client complexe et offre complexe : les « conseillers »
Toujours selon Forrester Research, l’évolution des effectifs varie grandement selon le profil du commercial :
- les « preneurs d’ordre » spécialisés dans une approche transactionnelle de la vente voient leur population décroître d’un 1/3 (-33%) ;
- les « ingénieurs » voient leur population diminuer d’1/4 (-25%) ;
- les « navigateurs » perdent 15% de leurs effectifs ;
- à l’inverse de leurs camarades, les « conseillers » croissent en nombre de 10%.
Les résultats de cette étude ne me surprennent pas. Ils illustrent plusieurs tendances lourdes de la transformation que connaît notre société.
Première tendance lourde : tout ce qui peut être automatisé le sera. Pour le commercial dont la compétence se limite à donner un prix et à veiller à la capacité à livrer les quantités demandées, il y a fort à parier que sa fonction puisse être aisément remplacée par un algorithme. Pas étonnant donc que les « preneurs d’ordre » soient le groupe le plus lourdement touché par la révolution digitale en marche.
Deuxième tendance lourde : contrairement à un adage trop souvent répété, information ne rime pas avec pouvoir, mais avec crémation. Je me souviens encore quand, en 1994, je fus embauché en qualité de responsable régional des ventes chez un éditeur de logiciels d’aide à la décision. Comme test à l’embauche, il me fut demandé de dérouler la présentation standard et la démonstration standard. J’étais un commercial « camelot » by design. Là encore, plus besoin de l’humain pour fournir de l’information ou épater la galerie avec des démos percutantes : quelques livres blancs et vidéos postés sur internet remplissent bien mieux l’office, car non soumis à ces deux grandes limitations de l’être humain que sont (i) sa disponibilité aléatoire d’une part et son (ii) absence de régularité d’autre part.
Troisième tendance lourde : c’est dans la gestion de la complexité et de l’imprévisible que l’interaction humaine prend tout son sens. Ce n'est donc pas un hasard si, dans les années à venir, les entreprises vont priser les compétences de vente consultative de leurs commerciaux au point de contribuer à une augmentation de 10% des effectifs à profil de « conseiller ».
A bon entendeur/lecteur, salut.
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