Lorsque je démarre un atelier de formation CustomerCentric Selling(R), j'ai coutume de raconter une petite histoire, celle du maître zen et de la tasse de thé. L'histoire est la suivante :
Il était une fois, au coeur de la Chine médiévale, dans un tout petit village, un jeune enfant d'une dizaine d'années, Chu, particulièrement doué en arts martiaux. Il était si doué, que son existence fut rapportée aux oreilles du maître zen de la ville d'à côté, Monsieur Bo. Ce dernier, toujours curieux des miracles de la nature, invita le jeune enfant à lui rendre visite. "Quelle chance", pensait Chu, "je viens de me faire remarquer par le maître Zen. Je vais pouvoir apprendre un tas de choses nouvelles à son contact".
C'est donc avec beaucoup d'émotion que Chu, le jeune garçon, se rendit chez Monsieur Bo. A peine arrivé et après les salutations d'usage, le maître Zen demanda à Chu de lui montrer ce qu'il savait faire. Chu ne se sentait plus d'aise ; il se fit fort de montrer à Monsieur Bo, les plus belles figures d'attaque, de défense, d'esquive. Ses gestes étaient amples, précis, d'une rare élégance.
Au bout de quelques minutes de démonstration, Monsieur Bo proposa au jeune garçon de s'arrêter là pour le moment et de prendre le thé. Pendant que le maître Zen préparait le breuvage en silence, Chu étalait à loisir toute l'étendue de son savoir.
- Vous savez, Maître, j'aurais aussi pu vous montrer la parade du dragon... et aussi le jaillissement du tigre... la délicate sortie de la taupe... ou encore le glissement du serpent sur le fleur de jasmin... J'adore le déploiement des bras quand le serpent se déroule sur la fleur. C'est la plus belle attaque qui soit... Personne ne me résiste quand j'effectue cette prise...
Pendant que Chu exposait l'étendue de ses talents, Monsieur Bo commença à verser le thé brûlant dans la tasse de son hôte. Tout doucement.
Le garçon parlait toujours.
Et Monsieur Bo continuait de verser le thé avec constance... jusqu’à ce que la tasse finisse par déborder.
Alarmé à la vue de la boisson qui se répandait sur la table, Chu s’exclama :
- Mais la tasse est pleine ! … Elle ne peut plus contenir de thé !
Tranquillement, Monsieur Bo répondit :
- C'est juste. Et sachez, jeune homme, que vous êtes comme cette tasse, déjà plein de croyances, de savoirs accumulés et d’idées préconçues. Comment pourrais-je vous parler du Zen et de toutes ces choses qu'il vous reste encore à apprendre... Car pour pouvoir apprendre, il faut commencer par vider sa tasse !
J'aime cette petite histoire. En effet, au début d'un atelier de formation, les participants se demandent souvent ce qu'ils font là, vu que cela fait longtemps qu'ils n'ont plus rien à apprendre dans le domaine de la vente. A fortiori s'ils ont des années d'expérience réussie dans les pattes...
Ce court récit a une triple vertu : il permet de briser l'arrogance des seigneurs de la vente, il remet en selle les bleus bites, qui comprennent que l'expérience accumulée par leurs pairs plus séniors ne joue pas forcément à leur avantage et elle m'offre un répit, en incitant les uns et les autres à suspendre leur jugement, ne serait-ce que momentanément.
Aussi, cela me permet de faire passer un message tout simple : pour s'améliorer dans l'exercice de sa profession de vendeur, il faut savoir ouvrir son esprit à toute forme d'enseignement qui se présente à soi... et ce, à quelque âge que ce soit.
Récemment, je fus très agréablement surpris de trouver une confirmation "scientifique" à ma croyance.
Dans un article de Dave Kurlan, "How Wrong is the Harvard Business Article on How to Hire Salespeople?", il conteste les conclusions tirées par Frank Cespedes et Daniel Weinfurter dans un papier intitulé "The Best Ways to Hire Sales People".
Prenant le contre-pied des auteurs, il met en lumière, à l'appui d'une analyse portant sur l'observation de 1.000.000 de commerciaux les seize variables qui distinguent de la façon la plus discriminante qui soit les meilleurs vendeurs des leurs homologues les plus crasses :
- ils assument une responsabilité pleine et entière sur les résultats, sans rechercher d'excuse
- ils ne cherchent pas à se faire aimer de leurs prospects
- ils ne cèdent pas aux émotions
- ils sont à l'aise pour parler argent
- ils ont une vision positive du métier de vendeur
- ils aiment acheter (pratiquent peu la comparaison de prix, ne recherchent pas le mieux disant)
- ils sont insensibles aux manifestations de rejet
- ils sont orientés vers l'atteinte de l'objectif
- ils ne s'émeuvent pas quand il y a lieu d'évoquer de gros montants
- ils sont compétents dans le domaine de la prospection
- ils sont compétents pour ce qui a trait à négocier l'accès aux interlocuteurs clés
- ils ont une approche consultative de la vente
- ils savent conclure les affaires
- ils sont animés d'une soif de succès
- ils s'engagent à réussir
- ils aiment apprendre et se voir enseigner des choses nouvelles.
Mais le point qui m'a le plus frappé, c'est que parmi ces seize dimensions, celle où le spread (l'écart entre les meilleurs commerciaux et les moins bons) est le plus grand, c'est la dernière, à savoir la "capacité à apprendre et se voir enseigner des choses nouvelles".
Ce qui montre bien que le maître Zen avait raison de demander à celui qui rêvait de devenir son disciple de "vider sa tasse".
--
PS - Ce billet est dédié à mon confrère Gabriel Boukobza dont je ne saurais trop recommander la lecture du livre "Zen selling ou l'art zen de la vente" publié aux éditions Jouvence.
Commentaires