Voilà maintenant plus de 13 ans que j’opère à mon compte pour aider les entreprises de technologie à améliorer leur performance commerciale. Bon an, mal an, cela fait plus de 50 sociétés avec lesquelles j’ai été amené à travailler de près ou de loin. Des grosses dont le chiffre dépasse le milliard à des jeunes pousses émergeant à peine de terre, j’en ai vu de tous les gabarits et de toutes les nationalités (surtout françaises et américaines, mais aussi espagnoles, suédoises ou suisses). J’ai aussi vu à l’œuvre des styles de management très divers : de l’adepte du laissez-faire absolu, au paternaliste souriant, du roi de la carotte-bâton jusqu’au tenant du flicage absolu, j’ai pu apprécier la variété des approches comme autant de nuances sur un éventail aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Mais récemment, j’ai observé l’émergence d’un phénomène nouveau : la mise en harmonie du savoir-faire, du style de management et du souci de performance dans ce que j’appellerais la création d’une culture d’entreprise unique. Oh, je vous vois déjà sourire, tant l’expression est à la mode et son utilisation galvaudée.
Pourtant, j’aimerais vous raconter l’histoire de Marc Batty, cofondateur de l’entreprise Dataiku, offrant une plateforme logicielle prête à l’emploi pour la création et le déploiement d’applications « big data ».
En l’espace de 3 ans, depuis sa création, Dataiku est passée d’une petite équipe de 4 personnes logée chez Agoranov, une pépinière d’entreprise, à une société de plus de 50 personnes disposant de bureaux à Paris, sur les Grands Boulevards, à New York (USA) et depuis peu, à Londres.
Bien sûr, ils ont tout bien fait chez Dataiku. Ils ont construit une technologie qui décoiffe, levé de l’argent auprès de capital-risqueurs avisés, mis en place des processus de suivi de l’activité commerciale permettant d’aligner la vitesse de recrutement sur la qualité du pipeline et les espérances de revenu induites. Mais au-delà de ces aspects représentant les points de passage obligés du parcours de la start up qui décolle, ils sont surtout parvenus à mettre en place une culture d’entreprise unique, culture dont je voudrais souligner les cinq traits les plus frappants ci-dessous.
Recruter avec rigueur.
Sur ce point et à l’image de ce que mon ami Pierre Berlin a pu faire lorsqu’il a ouvert les bureaux parisiens de LinkedIn fin 2011, Marc Batty a porté une attention toute particulière à la sélection à l’entrée de ses commerciaux. A l’opposé de la croyance consistant à privilégier des gens qui ont déjà mené l’activité de vendeur dans des environnements similaires, Marc est surtout à la recherche d’un état d’esprit. Et peu importe l’origine des candidats. En leur faisant simuler le comportement de vendeur Dataiku durant les entretiens d’embauche, il s’assure que ces derniers disposent d’une orientation client avérée, qu’ils ne sont pas obsédés par l’idée de présenter des « solutions » mais plus par celle de comprendre les « problèmes » ou « enjeux » des clients.
Faire confiance.
Ce qui frappe quand on assiste à une revue d’affaires avec Marc, c’est la confiance qui règne. Le dialogue est respectueux et orienté vers la recherche de solutions pour faire aboutir les opportunités au mieux des intérêts de Dataiku et du client. Comme on est loin du « quand, combien » si stérile et qui a pourtant plombé des générations entières de commerciaux habitués tour à tour à bénéficier d' ovations grandiloquentes (lors de la signatures de belles affaires) et à essuyer les vexations les plus humiliantes (si une affaire ne tombait pas conformément aux prévisions).
Instaurer l’apprentissage d’une langue commerciale commune.
C’est entendu : les sociétés ayant mis en place un processus de vente formel ont une performance supérieure de 18% à celles qui en ont fait l’impasse. C’est du moins le point de vue développé par Jason Jordan et Robert Kelly dans la Harvard Business Review. Et là encore, en définissant des étapes claires émaillant le cycle de vente, en formalisant des jalons précis et objectifs, Marc Batty a créé au sein de son équipe une façon partagée de parler des opportunités en fonction de la manière dont les clients évoluent dans leur propre parcours d’achat.
Rendre cette langue vivante.
Bien sûr, un des avantages de l’existence d’une processus de vente formel pour Marc, c’est de pouvoir savoir à quoi il peut s’attendre en termes de performance et donc anticiper la présence d’écueils de parcours ou bien, à l’inverse, accélérer la manœuvre – c’est-à-dire les embauches – si les conditions sont favorables. Mais le plus frappant, c’est que chez Dataiku, tout le monde – y compris les data scientists parlent couramment la langue des commerciaux. Ils savent parfaitement reconnaître où se situent les clients dans leur parcours d’achat et ce faisant, sont force de proposition pour conseiller les commerciaux sur l’art et la manière de conduire un « proof of concept », le type d’interlocuteur qu’il conviendrait d’approcher, l’expression de la proposition de valeur, etc. Là encore, en associant les data scientists et les consultants à l’effort de mise en place du processus de vente vécu comme une langue vivante et non comme un simple outil de reporting et de contrôle, Marc Batty a fait voler en éclat la « culture des silos » où prévaut une vision restreinte et patrimoniale dans l’utilisation de l’information. Au « je capture et je stocke » étriqué de ceux qui croient qu’information rime avec pouvoir, Marc privilégie un « je diffuse et nous nous enrichissons ensemble » généreux et motivant.
Faire du cadre de travail un lieu de plaisir.
Dans un article récent de FastCompany intitulé « Inside The Creative Office Cultures At Facebook, IDEO, And Virgin America », un paragraphe entier est consacré à l’utilisation de l’art en général et de la décoration en particulier comme vecteur de bien-être et de sentiment d’appartenance. Quand vous rentrez dans les locaux parisiens de Dataiku, vous ne manquerez pas d’être enchanté par le décor. Là encore, comme on est loin des environnements cloisonnés en « cubicles » chers à Scott Adams ou des bureaux « escale » comme chez Accenture à l'époque où leur siège français était sis avenue George V. Ici, la décoration reflète l’attention extrême portée au collaborateur. Chaque département a ses murs pavoisés aux couleurs de son cadre d’exécution. Au sein de l’espace dévolu à la direction des opérations pilotée par Marc, un mur entier est dédié aux affaires du trimestre.
Sur des étagères organisées en marche pied vers le stade ultime, le "Win !", les commerciaux, représentés chacun par un avatar rigolo, posent un objet clin d'oeil censé désigner leur opportunité : une licorne miniature pour cette start up qui a le vente en poupe, un lion pour un constructeur automobile, etc. Mais attention, l'objet-affaire, le totem, n'est pas placé n'importe où. Il doit figurer sur l'étagère reflétant le statut de l'opportunité. Car, même là, la recherche de l'esthétique ne le cède en rien à la recherche de performance.
Le tout dans un souci de transparence et de responsabilité pleinement assumées.
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