Juste quand tu démarres, le minimum,
Juste ce que tu sais faire avant de mettre à pleine gomme,
Juste ce que tu sais faire, le minimum.
Quand tu démarres juste avec moi,
Que tu te prépares pour n'importe quoi,
Avant de mettre à pleine gomme,
Juste ce que tu sais faire, le minimum.
- Jacques Higelin (Le Minimum, in 'Alertez les bébés')
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Quand j'anime des formations CustomerCentric Selling(R), je suis accompagné par des coachs dont le rôle consiste à aider les participants dans la réalisation de jeux de rôle ou la conception de cas d'école. Au gré des sessions, nous avons appris à nous apprécier et à tisser des rapports dont l'amitié n'est pas exclue. Parmi eux, certains sont plus taquins que d'autres. Et dans le sous-groupe des joyeux, il y a en particulier quelques jeunes filles un rien... comment dire... facétieuses. Une de leurs blagues préférées consiste à me donner, en plein milieu d'atelier, une liste de mots, expressions, voire airs de chanson ou d'opéra, que je dois énoncer ou interpréter durant l'instruction et ce, dans un laps de temps limité.
C'est ainsi que je me suis retrouvé, au détour de topos sérieux sur le contrôle de cycle de vente ou l'art de vendre par la valeur, en train de chanter le refrain du fameux "Libérée, délivrée" de la Reine des Neiges ou à placer des mots que la pudeur m'interdit de mentionner.
Récemment, parmi les mots à placer, je me trouvai en face d'un "glycophile" pas piqué des hannetons. Un glycophile, c'est quelqu'un qui s'adonne à la glycophilie. Non, non, il ne s'agit pas d'un pervers polymorphe ! La passion du glycophile est bien innocente puisqu'il s'agit juste de collectionner des morceaux de sucre emballés.
Je me demandais bien comment j'allais le caser celui-là. Au bout de 24 heures de réflexion et de recherche (nocturne), j'étais à deux doigts de me résigner à faire chou blanc. Certes j'avais découvert plein de choses sur le sujet : qu'il existait des clubs de glycophiles, qu'il ne fallait pas confondre un glycophile (collectionneur de sucres emballés), avec un périglycophile (collectionneur des emballages seuls). Mais il faut bien l'avouer, tout cela ne m'avançait guère et j'avais la sinistre impression de tourner en rond. Et comme la nuit était déjà bien avancée, elle, je me laissai aller à une torpeur bien naturelle.
Le lendemain, au réveil, je pestais. Non seulement je n'avais pas progressé d'un pouce sur la question du glycophile, mais en plus, mes recherches m'avaient fait perdre de précieuses minutes de sommeil. Je me jetai sous la douche. Plus ou moins consciemment, je passai en revue le programme de la journée : proposition de valeur, différenciation par rapport à la concurrence, négociation de l'accès au pouvoir, création de consensus, contrôle du cycle de vente, preuve... Preuve... Oui, PREUVE ! Je venais d'avoir une épiphanie. C'est au moment où nous aborderions le thème de la preuve que j'allais glisser mon glycophile.
Celles et ceux qui me suivent connaissent mon point de vue en trois points sur la question de la preuve, à savoir que...
- la preuve doit être rigoureusement circonscrite aux seules facultés reconnues désirables par le client. Ni plus, ni moins.
- la preuve doit être adaptée à l'audience.
- l'effort consenti pour fournir la preuve doit être proportionnel au montant de l'opportunité.
Lorsque vient le moment opportun, je commence par poser à l'audience la question de savoir ce qu'est une preuve, à quoi elle sert. Après quelques tergiversations, la réponse attendue vient. Oui, il s'agit bien d'une vérification par le client comme quoi le vendeur est en capacité de lui apporter les facultés désirées.
C'est à ce moment que, discrètement, je sors de ma poche un morceau de sucre emballé, que j'avais dérobé dans la salle du petit déjeuner. Dans un premier temps, je le garde bien au chaud, au creux de ma main. Et là, je me lance :
- Supposez que je sois en train de vendre à un glycophile... Vous savez, ces gens qui collectionnent les sucres emballés...
En dévoilant à mon audience le morceau de sucre emballé, j'énonce :
- Eh bien pour ces personnes, la preuve, c'est ça.
Après une ou deux secondes, je reprends la parole :
- Supposez maintenant que non content de verser dans la glycophilie, mon interlocuteur a poussé le vice jusqu'à être périglycophile...
Je défais alors aussi délicatement que possible le papier qui enserre le morceau de sucre et pose le sucre sur la table pour ne garder que l'emballage déplié. Je dis :
- Pour le périglycophile, la preuve, c'est ça et rien que ça.
Joignant le geste à la parole, je me saisis du morceau de sucré laissé sur la table et l'enfourne dans ma bouche.
A travers cette petite mise en scène, je venais d'illustrer combien, lorsque venait le moment de faire la preuve, le commercial devait coller au plus serré des besoins de son client. Histoire d'enfoncer le clou, je racontai alors une mésaventure qui m'était arrivée quand, alors que j'étais devenu un expert dans l'art de faire des démos, j'avais tellement soufflé mon interlocuteur que ce dernier s'était retrouvé pour ainsi dire obligé de me demander... un rabais exceptionnel.
Mais, ça, c'est déjà une autre histoire, que je me propose de vous raconter dans un billet futur.
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PS : Merci à Claire, Céline, Françoise et Nathalie pour m'avoir proposé le "glycophile". Si elles se reconnaissent à la lecture de ce billet, qu'elles sachent que je les ai détestées de m'avoir infligé un mot aussi... comment dire... exotique ? ... hors-norme ? Au bout du compte, elles m'auront aidé à enrichir mon vocabulaire et mon mode d'enseignement ;-)
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