Quand j’anime des formations CustomerCentric Selling®, à un moment donné, j’aborde l’intérêt qu’il peut y avoir à documenter l’interaction avec le client. Cela a lieu à un moment particulier du cycle de vente, quand le vendeur est parvenu à faire visualiser à son client une solution orientée autour de l’utilisation de ses produits et/ou services.
Je montre alors à l’écran un exemple de courrier de suivi en insistant sur le fait que le point important n’est pas tant dans le texte que dans sa structure. Pourtant, en dépit de mes précautions d’usage, je dois faire face systématiquement à un tollé de la part de mon auditoire :
- « Mais, c’est bien trop long ! »
- « Jamais une personne, surtout si elle est d’un haut niveau hiérarchique, n’aura le temps de lire ce genre de lettre… »
- « Il faut raccourcir le texte. »
- « Aujourd’hui, les gens ne consacrent pas plus de quelques secondes à l’écrit. »
- « L’accroche doit être plus percutante. »
Manifestement, le discours dominant sur la nécessité de faire court, de frapper les imaginations en un minimum de mots, de créer de l’impact avec des images fortes a fait son chemin. Il faut dire que le mouvement est violent. Dans ma jeunesse, pour s’informer, on lisait le journal, soit un support de milliers de mots. Il y a une dizaine d’années, on est passé à la lecture de billets de quelques centaines de mots dans des blogues. Depuis les deux dernières élections présidentielles américaines, avec le gain en popularité de Twitter les informations et les messages doivent tenir en moins de 140 caractères. Et maintenant, avec nos amis de Facebook, nous communiquons à travers des messages réduits à un seul émoticône, qu’il s’agisse d’un simple pouce levé pour exprimer un « like », d’une face hilare, attristée ou furibarde pour témoigner de la réaction éprouvée à la réception du message.
Le diktat en faveur de la brévité a fait son chemin. Pourtant, comme l’indique très justement Seth Godin dans un billet séminal, si vous cherchez à vous différencier dans votre façon de diffuser des messages, ce qui importe n’est pas tant la brévité que la densité.
Savoir créer des contenus denses n’est pas chose facile. Cela suppose éliminer le superflu, se concentrer sur l’essentiel pour créer le plus fort impact. Roger Ebert, le célèbre critique de cinéma avait une très belle formule pour exprimer ce qui se joue ici : « Aucun bon film ne sera jamais trop long ! Aucun mauvais film ne sera jamais trop court ! ».
Autrement dit, pour revenir à nos affaires de vente, si ce que vous avez à écrire est important, vous serez lu – quelle que soit la longueur de votre courriel. Mais si ce que vous avez à dire est vide de sens, sans valeur ou, plus grave encore, s’apparente à un panégyrique de votre offre érigée en icône de la modernité triomphante, alors abstenez-vous.
En guise de conclusion, je voudrais vous révéler un secret sur ma propre façon de vendre. Après un entretien de développement de solution, j’envoie systématiquement un courrier de suivi dans lequel je résume ce que j’ai appris et propose des étapes de suivi. Loin de céder à l’exigence de brévité à la mode en ces temps de célérité sacralisée, j’ai tendance au contraire à broder. Il n’est pas rare que mes comptes-rendus s’étirent sur plusieurs pages. Alors oui, c’est vrai, les hommes et les femmes pressés qui n’ont pas vu de valeur dans l’interaction avec moi ne lisent pas ma prose. Et croyez-moi, je ne cherche pas à les relancer. Je retire tout simplement l’opportunité de mon carnet d’affaires en cours et je passe à autre chose. En revanche, ce que je sais, c’est que les hommes et les femmes attentifs qui auront consacré une dizaine de minutes à lire mon compte-rendu, ont envie d’avancer avec moi. A la lecture de mon message, ils auront reconnu mon propre désir de travailler avec eux. Et c’est à la croisée de ces deux désirs que réside le secret des plus belles opportunités de vente.
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