Elon Musk est une des figures iconiques de l'économie actuelle. Fondateur de PayPal, de Tesla Motors, de SpaceX, il n'a de cesse de repousser les limites du possible. Et c'est ça justement que tout le monde admire chez lui : cette capacité à innover en mettant à mal les idées reçues les plus solidement ancrées dans nos esprits trop souvent englués dans une forme de pensée des plus conventionnelles.
Mais si il y a un domaine dans lequel on n'attend pas Elon Musk, c'est bien celui du management commercial. Alors quand, en début de l'automne dernier, l'homme d'affaires d'origine sud-africaine s'est fendu d'un courriel interne où il se met en pétard après avoir découvert que certains commerciaux de Tesla Motors ont pratiqué des discounts auprès de leurs clients, évidemment, ça surprend.
En substance, le propos d'Elon Musk est le suivant. Après avoir félicité les collaborateurs de Tesla Motors pour l'excellence des résultats du trimestre écoulé, le magnat des affaires exprime son intransigeance sur la nécessité d'appliquer à la lettre la politique du "0 discount", mise en oeuvre dès le lancement des activités commerciales du fabricant d'automobiles, dix ans auparavant.
Pour appuyer le caractère inexorable de la mesure, Elon Musk livre une justification d'une simplicité biblique. "Si vous ne pouvez expliquer sans embarras à un client ayant payé plein pot pourquoi un autre client a bénéficié de conditions plus favorables", dit-il, "c'est qu'il y a un problème". Et il rajoute : "Soit nous gagnons en garantissant l'équité de traitement, soit nous perdons sans salir notre honneur et en supportons toutes les conséquences".
Lors de ma vie en entreprise, je me suis toujours insurgé devant la pratique du discount. J'enrageais de voir des commerciaux se vanter quand, pour réaliser des ventes à 7 chiffres (supérieures au million d'euros), ils n'hésitaient pas à octroyer des rabais insensés. Mais ce qui me faisait le plus souffrir, c'est lorsque ce comportement déviant était stimulé par leur managers, des individus court-termistes prêts à sacrifier un chiffre d'affaires conséquent contre la garantie d'obtenir une commande avant une échéance mensuelle ou trimestrielle. J'avais beau souligner l'importance du manque à gagner, le risque de divulgation de l'information sur la place et la nécessité induite d'appliquer dans le futur des conditions identiques à tout client excipant d'un contexte similaire, rien n'y faisait. A mon grand dépit, mes arguments faisaient long feu.
Quand j'ai découvert le courriel de Musk, j'ai jubilé. Enfin un manager qui ne cédait pas aux sirènes du "ce qui est pris n'est plus à prendre" ou du "ce mois-ci, on rentre tout ce qu'on peut, à n'importe quelles conditions" ! Mais surtout, ce que j'ai adoré dans son message, c'est qu'en déplaçant la focale sur le client et en mettant en exergue l'embarras dans l'interaction commerciale, il met en évidence le risque d'inégalité de traitement consubstantiel à l'octroi de discount. Ce faisant, il atteint un double objectif : d'un côté, il protège la valeur pour son organisation, mais plus fort encore, de l'autre, il ancre la démarche commerciale dans le respect de valeurs essentielles à la conduite de l'activité dans la durée : l'équité, le respect du client et la transparence dans les pratiques de vente.
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