La mise en place d’un processus de vente recouvre cinq étapes bien distinctes :
Étape 1 : Comprendre comment les clients achètent et structurer un nouveau processus de vente qui soit calqué sur l’évolution des comportements d’achat clients.
Étape 2 : Former l’ensemble des personnes interagissant avec la clientèle au nouveau processus de vente. Au sein des populations formées, il importe de réaliser un effort particulier à l’attention des managers de 1er niveau et des effectifs marketing, les premiers au titre de leur rôle dans le coaching des commerciaux et les second en tant que créateurs de contenus et de messages.
Étape 3 : Paramétrer le système de pilotage commercial (en général une couche de business intelligence au-dessus du logiciel de CRM en place) pour que les managers commerciaux sachent en deux ou trois clics identifier si leurs vendeurs sont en ligne par rapport à l’atteinte des objectifs et quelles compétences leur restent à développer.
Étape 4 : Créer et fournir aux commerciaux les outils qui leur permettront, moyennant un entraînement régulier, d’accroître leur impact lors des conversations de vente qu’ils animeront auprès de leurs clients.
Étape 5 : Consolider les acquis développés lors de la formation pour accélérer la transformation de ces acquis en compétences effectives mises au service de la performance individuelle et collective.
Aujourd’hui, les organisations sont nombreuses à s’engager dans des processus de transformation commerciale. Et si elles sont enclines à réaliser des investissements significatifs sur les étapes allant de 1 à 4, elles rechignent souvent à consacrer l’énergie et les ressources suffisantes à la bonne conduite de l’étape 5. Depuis maintenant plus de 13 ans que j’aide les organisations à mettre en place des processus de vente calés sur les comportements d’achat des clients, je reste surpris – pour ne pas dire parfois choqué – de constater que l’étape 5 de consolidation des acquis dans la durée reste au mieux négligée, pour ne pas dire occultée purement et simplement sur la base de raisonnements aussi catégoriques que : « Après tout ce que nous avons investi auprès de la force de vente pour qu’ils apprennent ce que nous attendons d’eux, je ne vois pas pourquoi nous devrions en plus les coacher dans la durée ».
Aussi fou que cela puisse paraître, c’est un peu comme si après avoir investi les 90% du budget qui auront permis de parcourir les premiers 10% du trajet, les organisations s’entêtaient à refuser de payer les 10% de l’investissement nécessaire pour réaliser les 90% du parcours qui restent.
Ou encore, comme si après avoir appris à votre enfant comment effectuer le geste du service au tennis, vous lui refusiez la chance de s’entraîner pour parfaire son geste au point où il sache le réaliser sans y penser.
Car dans tout projet de transformation commerciale, ce qui importe le plus, c’est la matérialisation du changement de comportement. Un changement de comportement qui, soit dit en passant, va bien au-delà du commercial, mais affecte toute la chaîne de commande jusqu’au plus haut niveau de l’organisation.
Afin d’être plus précis, voici une courte liste des changements demandés :
Au niveau des commerciaux :
- Positionner chaque affaire en cours sur la séquence d’étapes constitutives du processus de vente ;
- Utiliser le système de CRM dans le respect des critères établis pour justifier la présence d’une affaire à une étape déterminée ;
- Développer son savoir-faire à travers une pratique et un entraînement régulier des nouveaux gestes appris en formation
Au niveau des managers de 1er niveau (chefs des ventes) :
- Coacher les commerciaux pour qu’ils adoptent le nouveau processus ;
- Revoir le format des réunions commerciales pour qu’elles intègrent une partie d’entraînement collectif à la pratique des nouveaux gestes attendus en clientèle ;
- Conduire vers l’excellence à travers des actions de coaching individuelles ciblées
Au niveau des managers des dirigeants commerciaux :
- Reconnaître, encourager et primer l’adoption des nouveaux comportements ;
- Exiger l’adhérence aux nouveaux standards de performance résultant de la mise en place du nouveau processus de vente ;
- Promouvoir les initiatives d’amélioration continue
Car, dans le domaine de la transformation commerciale, c’est à la direction commerciale de montrer l’exemple. Et afin d’éclairer le sujet, voici une liste de trois initiatives propres à manifester auprès de tous l’importance que la direction accorde au projet :
- Une lettre d’information
- Contenu : témoignages liés à la mise en œuvre de la nouvelle démarche, exemples de succès en clientèle reflétant l’utilisation de tel ou tel composant de la méthode, etc.
- Périodicité : hebdomadaire lors du premier trimestre, puis bimensuel
- Responsabilité : “Sales Operations” avec l’appui du département de la communication, mais le parrainage de la direction générale
- Le mur ou l’escalier de la réussite
- Contenu : mise en lumière, dans la pierre et les murs des progrès réalisés en matière commerciale. L’idée souveraine consiste à ce que chaque commercial déplace sur le mur ou l’escalier de la réussite les opportunités qui lui échoient. Pour celles et ceux qui auraient du mal à visualiser à quoi correspond cette initiative, j’invite à faire un tour sur le billet appelé « Mise en scène de la performance commerciale », ici, relatant le travail de Sabine et Paul aux Pays-Bas, ou celui de Marc Batty et Jérémy Greze à Paris documenté dans le papier ici décrivant comment Dataiku a développé une version décorative et architecturale de son processus de vente.
- Périodicité : visibilité permanente, mais mise à jour ad hoc ou, à défaut, hebdomadaire, lors de la réunion commerciale collective, que je ne saurais trop inviter à conduire debout, devant le mur.
- Responsabilité : “Sales Operations” avec l’appui du département de la communication, mais le parrainage de la direction générale
- Le management par le pipeline (et non par le chiffre) et par les graphiques (et non par les feuilles de calcul Excel)
- Contenu : après automatisation du processus de vente, c’est-à-dire intégration dans une application CRM des étapes, des règles de gestion des opportunités et des standards de qualité attendus (en termes de livrables ou de temps moyen d’exécution), définition du « pipeline idéal » à tous les échelons de l’organisation commerciale, puis pilotage des écarts de volume entre le réel et l’idéal ou temporel entre la durée constatée à l’étape et le temps réputé standard.
- Périodicité : permanente
- Responsabilité : “Sales Operations” et direction commerciale
Il ne s’agit là que de trois initiatives, sachant qu’il y en a bien d’autres à envisager, pour que l’adoption du nouveau processus vienne irriguer l’ensemble des instances de communication, de la réunion du conseil d’administration à celle du lundi matin avec son chef des ventes.
Au bout du compte, quelle que soit le plan d’adoption que vous choisirez, je ne saurais trop vous recommander de le mettre en branle juste après que l’effort de formation est terminé. En effet, c’est à ce moment précis que tout se joue. C’est à cet instant que les managers de premier niveau vont chercher à jauger le sérieux de l’initiative. Ils vont guetter les moindres signes de leur propre management pour apprécier dans quelle mesure ils auront à modifier leur propre comportement et, par voie de conséquence, celui des membres de leur équipe de vente.
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Dans la série des erreurs de design de processus de vente :
- Erreur de design de processus de vente n°1 : la proposition
- Erreur de design de processus de vente n°2 : assimiler efficacité commerciale et niveau d'activité
- Erreur de design de processus de vente n°3 : confondre processus et automatisation
- Erreur de design de processus de vente n°4 : ne s'intéresser qu'aux prospects en phase de recherche active de solution
- Erreur de design de processus de vente n°5 : disposer d'étapes déséquilibrées
- Erreur de design de processus de vente n°6 : demander au cornac d'organiser la parade des éléphants
- Erreur de design de processus de vente n°7 : mesurer à tort et à travers
- Erreur de design de processus de vente n°8 : vouloir évangéliser le marché
- Erreur de design de processus de vente n°9 : oublier le client
- Erreur de design de processus de vente n°11 : mal nommer les étapes
- Erreur de design de processus de vente n°12 : faire de la signature l'étape ultime du processus
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