Lorsque j’anime des formations commerciales autour de la méthodologie de vente CustomerCentric Selling®, il y a une séquence que j’adore : celle pendant laquelle je présente l’évolution de la psychologie du client durant son parcours d’achat. Pour bien des participants, c’est un moment de révélation. Sans aller jusqu’à évoquer l’avènement d’une épiphanie, il n’est pas rare que je surprenne des exclamations du type « Ah ! C’était donc ça… », « Je comprends mieux maintenant pourquoi j’ai perdu cette affaire alors que je la croyais bouclée en ma faveur ».
Le point sur lequel j’insiste le plus, c’est le fait de ne pas se fier outre mesure au niveau d’enthousiasme affiché par le client. Voire, j’invite les participants à s’en défier, passé le moment du cycle d’achat où le client s’engage dans une phase d’évaluation des différentes offres ou vendeurs susceptibles de lui fournir la solution qu’il a imaginée. Pour faire simple, j’énonce aux participants l’idée que plus le client se rapproche du moment de la prise de décision, plus il aura tendance à se montrer soucieux, voire préoccupé, dès lors qu’il est sincère dans son intention d’acheter chez vous. A contrario, plus il se rapproche du moment de la signature, plus il aura tendance à vous gratifier de manifestations d’enthousiasme d’autant plus importantes qu’il n’entend pas acheter chez vous.
Je sais. Cela peut sembler paradoxal. C’est pourtant logique. En fin de parcours, quand le client sait qu’il va acheter chez vous, il va vouloir minimiser les facteurs de risque, soit tout ce qui peut faire que les choses tournent mal. Il sera donc préoccupé, fera grise mine et pourra même vous témoigner de l’irritation, voire de l’agacement, pour peu que vous ne sachiez pas prendre au sérieux son souhait de minimiser les causes potentielles d’échec. Dans le cas contraire, s’il n’a pas l’intention d’acheter chez vous, cela veut dire qu’il se sert de vous comme d’un faire-valoir. Vous êtes le lièvre, dont le client a besoin pour mieux négocier avec le fournisseur retenu. Le client a besoin de vous. Il faut à tout prix que vous restiez dans la danse, que vous ne vous découragiez pas. Alors, pour vous tenir en haleine, il va sur-compenser. Il va se montrer plus aimable que de coutume, vous rassurera du mieux qu’il pourra pour vous inciter à croire en vos chances. Sans prendre le moindre engagement, il s’efforcera de vous dire ce que vous rêvez d’entendre. C’est ce que les Américains appellent le phénomène de « Happy Ears », que je traduis souvent par l’expression des « oreilles complaisantes ». C’est le fameux « Aie confiance » du serpent Kaa, quand il enroule le bon Mowgli dans les spires de ses anneaux.
Mais ce qui est fabuleux, c’est que ce résultat contre-intuitif de la psychologie d’achat vient de trouver tout récemment une preuve statistique éclatante. Elle nous vient de nos amis de Gong.io, l’éditeur de la plate-forme d’intelligence artificielle dédiée à l’analyse de ce qui marche et ce qui ne marche pas dans les conversations de vente.
Comment s’y sont-ils pris ? L’équipe de data scientists de Gong.io a analysé le contenu de 20.858 conversations commerciale réalisées en environnement de vente B2B, entreprise à entreprise. Ils ont passé ces conversations au crible d’un dictionnaire spécifique au monde de la vente, dans lequel chaque mot, chaque phrase et l’entretien dans son ensemble se voient attribués des scores reflétant leur tonalité, ce que les Américains appellent des « sentiment scores » :
- -2 si la tonalité est très négative,
- -1 si est est négative,
- 0 si elle est neutre
- +1 si elle est positive
- +2 si elle est très positive
Les conversations en question étaient par ailleurs associées à des enregistrements d’affaires en cours dans des applications de type CRM afin de pouvoir, de façon ultime, analyser les données à l’aune des résultats obtenus en termes de gain (ou de perte) d’affaire.
Et aussi fou que cela puisse paraître, les affaires perdues sont caractérisées par un score de tonalité de 12,8% supérieur à celui des affaires gagnées. En clair, en fin de parcours, quand il ne veut pas travailler avec vous, le client utilise des formulations plus positives. A contrario, toujours en fin de cours, quand le client emploie des termes à connotation négative, quand il exprime des préoccupations, voire semble submergé par une perception de risque, cela peut, à bien des égards, constituer un fort signal d’achat.
Très intéressant Jean-Marc, merci. Je pense que les commerciaux devraient systématiquement suivre une formation à la psychologie de la vente pour mieux comprendre leurs clients et agir en conséquence.
Rédigé par : Alain Rochard | 30/03/2018 à 11:54
Cher Alain,
Tu prêches un "plus que convaincu".
Au plaisir de te voir prochainement, soit de visu, soit au travers de tes commentaires,
Bien à toi,
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Alain Rochard | 02/04/2018 à 15:46