Dans En Syrie, un livre-reportage aux accents prémonitoires écrit en 1926, Joseph Kessel raconte une histoire savoureuse qui en dit long sur les rapports tortueux entre le prix et la valeur des choses.
"Un des hommes les plus riches de Beyrouth, fort distingué, ancien diplomate, avait commandé à un bijoutier de Paris, une perle. Un commandant français de ses amis devant venir en Syrie, il le pria de la lui rapporter. L'officier se chargea de la commission, mais, débarquant à Beyrouth, s'aperçut que la perle était perdue. Il demanda à son ami ce qu'il lui devait :
- Vingt-cinq mille francs, répondit l'autre.
Le commandant, qui avait quelques notions en joaillerie, fut surpris de cette somme. Une correspondance avec le bijoutier lui apprit que la perle avait été payée quinze mille francs. Il se rendit chez le diplomate avec l'indignation que l'on conçoit. Mais celui-ci, avec le plus grand naturel :
- C'était une affaire. Elle est manquée... Voulez-vous du porto ?"
Que rajouter d'autre à une si belle expression de la valeur, si allusive soit-elle ?
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