Dans un article sur la valeur de la formation commerciale pour des sociétés de type start-ups disposant d’un modèle SaaS, Tom Tunguz fait référence à une étude selon laquelle, en moyenne, l’impact d’une formation commerciale se solderait par une amélioration de 12% du taux de conclusion favorable des affaires en cours.
Tom Tunguz prend le cas d’une équipe commerciale composée de 5 vendeurs portant chacun un quota de 750k par an. Sur ces 5 personnes, 4 ont bon mois, mauvais mois, une performance de l’ordre de 70%, quand le 5ème membre de l’équipe tourne à 120% de son quota. C’est la diva de l’équipe ; elle joue le rôle d’exemple à suivre pour le compte de l’ensemble de l’équipe.
En restant conservateur dans l’approche, prenons l’hypothèse que l’impact de la formation se chiffre uniquement à 10% d’amélioration. Cela équivaut à un incrément de 10% x 750k x 70% x 4 + 10% x 750k x 120% x 1, soit 210k + 90k, ou encore 300k de commandes annuelles.
Dans un monde SaaS, il n’est pas déraisonnable d’estimer que le taux de marge brute se situe aux alentours de 70%, ce qui fait que l’incrément de 300k de commandes annuelles équivaut à une augmentation de la marge de 210k. Un bon économiste pourrait, à la vue de ces chiffres, arguer du fait que l’acte de formation vaut la peine d’être engagé dès lors qu’il se monte à moins de 209k, dans la mesure même où chaque euro additionnel vaut la peine d’être engrangé. Pour autant, sur une population de 5 personnes, il est bien plus probable que l’investissement jugé acceptable se situe aux alentours de 40 à 50k, ne serait-ce que pour prendre en compte les coûts de transaction et les coûts induits par le fait d’avoir mobilisé l’équipe de vente et de l’avoir sortie du terrain.
Pour des équipes de vente plus conséquentes, un bon atelier de formation peut aider à optimiser le nombre de commerciaux. Illustration : admettons que vous disposiez d’une force de vente de 20 personnes. Le quota moyen est de l’ordre de 750k par personne et par an et le taux d’atteinte moyen du quota annuel est de 70%. Cela veut dire que votre capacité de vente effective se monte à 20 x 750k x 70% = 10,5m. Un incrément de performance de 10% sur l’ensemble de l’équipe équivaut à 1,05m de commandes additionnelles, ce qui représente précisément la performance annuelle de 2 commerciaux en vitesse de croisière.
De mon côté, j’ai pu observer combien l’organisation d’ateliers de formation commerciale auprès de sociétés de technologies avait pu générer des impacts financiers positifs ô combien plus significatifs comme cet éditeur de logiciels qui avait constaté un retour sur investissement de 1218% un an après un atelier de formation commerciale réalisé auprès de vendeurs partenaires.
Pourtant, il est un point sur lequel, dans la profession des vendeurs de formation commerciale, nous sommes nombreux à faire l’autruche : c’est la vitesse à laquelle les bienfaits d’une formation peuvent se dissiper et, par simple effet miroir, les conditions à réunir pour que l’impact de la formation se maintienne élevé dans le temps.
Un chercheur allemand du XIXème siècle, Herman Ebbinghaus, souvent considéré comme le père de la psychologie expérimentale de l’apprentissage, a documenté le phénomène. En étudiant la façon dont nous autres, êtres humains, mémorisions les choses, il a découvert que (i) nos facultés de mémorisation décroissaient avec le temps, (ii) que, indépendamment de la qualité de notre mémoire, la courbe décrivant notre propension à garder en mémoire ce que nous avions appris s’apparentait à une branche d’hyperbole ou plus exactement à une fonction exponentielle inversée, et (iii) que la force de notre mémoire permettait de faire baisser la pente de la chute de la courbe de l’oubli, mais pas sa forme générale.
C’est fort de ces observations qu’il a pu caractériser la courbe de l’oubli sous la forme de l’équation suivante :
Où « R » est la rétention mémorielle, « F » la force de la mémoire et « t » le temps.
Par suite, la formule étendue de retour sur investissement lié à un effort de formation doit s’écrire de la façon suivante :
ROI (à un instant « t »)
=
Bénéfices attendus a priori
X
Valeur de R à l’instant « t »
Autrement exprimé, cela revient à dire que pour maximiser l’impact d’un effort de formation, il y a lieu de se prémunir contre les effets néfastes de l’érosion des connaissances dans le temps.
On pourrait arguer que ce n’est pas uniquement dans les connaissances apprises que résident les bénéfices de la formation. Celle-ci est aussi souvent l’occasion de mettre en pratique des concepts et de simuler des interactions à travers des mises en situation ou des jeux de rôle. Mais ça serait oublier que la maîtrise des connaissances est un préalable nécessaire à l’acquisition de compétences. Essayez par exemple d’apprendre à nager à deux enfants, vous dites au premier : « Savoir nager est une compétence, essaye et tu apprendras par la pratique ». Et pour le second, vous lui expliquez : « Il faut prendre le temps de faire des mouvements amples et lents, en imitant une grenouille. Fais attention à bien inspirer et expirer et il ne sert à rien de paniquer, car le corps rempli d’air remonte à la surface. Nage près du bord pour prendre appui si tu es fatigué ». En faisant cela, vous prenez le temps de lui inculquer les gestes à exécuter. A votre avis, lequel des deux enfants apprendra à nager convenablement le plus vite ?
Dans le monde professionnel, c’est généralement la maîtrise d’une compétence qui permettra d’atteindre l’objectif, mais il serait vain d’oublier que cette dernière reste conditionnée à la maîtrise de connaissances élémentaires.
Il n’existe qu’une seule manière pour surmonter notre tendance naturelle à oublier. C’est ce que j’appellerai la pratique délibérée. Les militaires et les sportifs le savent bien. En situation de « performer » au moment voulu – lors d’un match ou d’une opération commando – le soldat ou l’athlète devront soutenir une charge de stress hors du commun. Les quolibets ou des vivats de la foule oblitèrent les capacités du sportif à se concentrer sur ses gestes. Chez le soldat, le sifflement des balles et l’éventualité de la mort entraînent un risque de céder à des émotions primaires comme la peur, la terreur ou la furie. La moindre erreur peut s’avérer fatale – pour soi, comme pour ses camarades. Le geste à réaliser ne doit pas porter le souvenir d’un cœur qui bat trop fort, d’un pas mal assuré ou d’une main sujette à tremblement. Il doit être précis. Car il aura été répété des dizaines de fois à l’entraînement, il aura été fait sous tout type de circonstance, afin que, le jour « J », il coule de source et s’exécute sans faille.
C’est fort de cette compréhension intime, née de multiples expériences d’immersion professionnelles dans des contextes aussi variés que la pêche à la coquille Saint-Jacques, le crapahutage dans les forêts avec simulation d’attaque ennemie, la prise en compte d’une marée de sollicitations dans un centre d’appels de réservation de taxis aux heures de pointe, que Yoann Gauthier et Hugues Renou ont créé TeamDrill.
Le principe est simple. Juste après qu’un commercial a suivi une formation, qu’elle soit initiale ou dispensée au cours de sa carrière, réalisée en interne ou par des intervenants extérieurs, il reçoit tous les matins sur son environnement de communication préféré – Slack ou autre – une série de questions renvoyant à ce qu’il aura vu en formation.
Contrairement aux techniques de quiz, il lui appartiendra de donner une réponse ouverte à la question posée. Une fois validée sa réponse, le système lui adresse la « bonne » réponse, ce qui lui permet d’apprécier par lui-même l’écart entre les deux.
Ensuite, il s’auto-évalue au regard de la maîtrise de ou des concepts en jeu, ce qui permet d’enclencher ou non des actions de développement de compétence et/ou d’entraînement à la maîtrise des gestes essentiels associés.
Les questions suggérées par TeamDrill agissent comme l’inoculation d’un principe actif venant combattre le travail pernicieux de l’oubli. Elles réactivent le souvenir de la formation, ce qui crée un « ancrage mémoriel ».
A force de répétition, la connaissance s’installe dans l’esprit de l’apprenant. A travers un processus conscient d’abord, avec des commentaires comme : « Ah zut ! J’avais oublié cet aspect-là » ou bien, « Tiens, je ne souvenais plus de cette finesse-là ». Jusqu’au point où, complétement intériorisée, la compétence sera acquise au niveau inconscient, c’est-à-dire, que l’intéressé effectuera les gestes appropriés sans même y prêter attention. Un peu à l’image de ce qui se passe lorsque nous conduisons une voiture.
Mais revenons à notre proposition de valeur.
L’utilisation combinée de TeamDrill en complément d’un acte de formation commerciale permet d’obtenir deux résultats :
1. Remettre l’apprenant au bon niveau de connaissance/compétence par rapport à des concepts clés, c’est-à-dire, faire remonter le « R » de la formule d’Ebbinghaus à la valeur 1 correspondant à une parfaite mémorisation ;
2. A travers une nouvelle exposition à la connaissance, dans un contexte différent de la formation, il y a renforcement de la mémoire intrinsèque de l’apprenant. Autrement exprimé, cela signifie que le coefficient F au dénominateur de la formule d’Ebbinghaus va croître. Résultat : après exposition, la pente de la courbe de l’oubli va s’adoucir par rapport à ce qu’elle avait pu être à l’origine.
Pratiquement, cela signifie qu’à travers l’exposition répétée à des questions sollicitant le souvenir des points abordés en formation, les connaissances/compétences acquises lors de la formation le demeurent dans la durée longue.
Par suite, les bénéfices attendus a priori, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui ont permis de justifier l’effort de formation, se matérialisent.
A la question de savoir quelle est la valeur de TeamDrill, la réponse est dans la matérialisation des bénéfices attendus.
Dans une conférence TED consacrée au schisme entre Orient et Occident, Devdutt Pattanaik énonce le fait qu’il faille réunir trois éléments pour construire une culture d’entreprise :
- Un langage commun
- Des histoires
- Des rituels partagés
Une formation ne peut servir de fondation à la consolidation du langage commun qu’à la condition de disposer de mécanismes de mise en pratiques constants et répétés.
Sans langage commun, sans idiome vernaculaire, pas d’histoires en partage et sans histoires partagées, pas de trame pour tisser les liens scellant l’appartenance à une communauté de destins.
Avec la formation vient le langage commun, avec TeamDrill s’effectue la consolidation de ce dernier au sein de l’organisation. Au management ensuite de favoriser l’éclosion et la narration d’histoires porteuses de sens et à instaurer les rituels sur lesquels fleurira la culture commerciale de l’entreprise.
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