Récemment, Claudine (1), la directrice commerciale d'une start up spécialisée aidant les entreprises à mieux piloter la satisfaction de leurs consommateurs me faisait part de son enthousiasme : "Avec ce programme de développement des compétences de vente complexe, je pense pouvoir réduire le temps de montée en puissance ("ramp up" en anglais) de 6 mois à 5 mois pour les 4 nouveaux commerciaux qui vont nous rejoindre durant le premier trimestre."
"A la bonne heure !", m'écriai-je.
Voilà, me suis-je dit intérieurement, qui devrait permettre à Claudine de justifier aisément un investissement de l'ordre de la centaine de milliers d'euros correspondant à la conduite du programme de développement de compétences.
Pourtant, lorsque je me retrouvai à mon bureau pour mettre un chiffre en face de l'impact économique de cette réduction du temps de montée en puissance des commerciaux, je confesse m'être creusé la tête pour savoir quelle formule calcul adopter.
Jusqu'à ce que je tombe sur un billet de Tom Tunguz où il compare le retour entre deux types d'investissements d'un montant identique de 300k au sein d'un éditeur de logiciel de type SaaS (Software as a Service) : d'un côté, racheter 1% du capital de la société valorisée en post money à 30m et de l'autre, recruter deux commerciaux payés chacun 150k à objectif atteint.
A travers un raisonnement simple, Tom démontre que le recrutement des deux commerciaux offre un retour sur investissement 250 fois supérieur au rachat de 1% des parts. Son raisonnement tient en deux temps. D'abord, il effectue une estimation de ce que ces nouveaux commerciaux vont générer comme ARR (Annual Recurring Revenue) additionnel. En partant de l'hypothèse qu'ils se voient assigné un objectif individuel de 600k de d'ARR additionnel et que leur pourcentage d'atteinte de l'objectif se monte à 60%, cela revient à dire que chacun génère 360k d'incrément d'ARR, ou encore, qu'à deux, ils permettent à la société d'augmenter son ARR de 720k. Voilà pour la première partie du raisonnement. La deuxième partie consiste, elle, à trouver une équivalence entre ARR et valorisation de la société. Là, Tom Tunguz s'appuie sur les multiples de capitalisation observés en ce moment sur le marché au gré des acquisitions récentes. Le ratio est de l'ordre de 10. En d'autres termes, cela revient à dire que les 720k d'ARR incrémental généré par les deux nouveaux commerciaux équivalent à une augmentation de la valorisation de la société 10 fois supérieure, soit égale à 7,2m.
Appliquons maintenant ce raisonnement au cas d'espèce de ma conversation avec Claudine en gardant les mêmes hypothèses en termes de valorisation de la société (30m), de distribution de quota (600k d'ARR incrémental par commercial) et de performance intrinsèque (60% de taux de réalisation de l'objectif). Admettons que Claudine veuille recruter 4 commerciaux cette année.
Le raccourcissement de 1 mois du temps de ramp up ou de montée en puissance des nouveaux vendeurs veut dire que chacun réalisera $30k de plus d'ARR dès la première année. Comme ils sont 4, cela revient à un incrément global de 30k x 4 soit 120k. Enfin, comme 1 d'ARR supplémentaire équivaut à 10 de capitalisation, cela veut dire que le bénéfice économique lié à la conduite du programme de développement de compétences commerciales se monte à 120k x 10 soit 1,2m.
En admettant que le programme coûte autour de 100k, le ROI de l'opération se monte à (1,2m - 100k) divisé par 100k soit 1.100%.
Qui dit mieux ?
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(1) Pour éviter tout risque de reconnaissance et même si la situation est tout ce qu'il y a de plus réelle, le nom de la société a été anonymisé et le prénom de la directrice commerciale a été changé.
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