Récemment, je tombai sur un article fascinant sur l'art et la manière de choisir une fontaine à eau pour son entreprise. L'article, joliment intitulé "Choisir une fontaine à eau, ça ne coule pas forcément de source", a été publié dans le magazine en ligne aideôchoix.com. Ce magazine en ligne se définit comme, je cite, "le premier site d'aide à la prise de décision d'achat pour les entreprises.Son objectif est de vous accompagner pour sélectionner, selon vos besoins, les produits ou services les plus adaptés à votre usage. A travers un traitement neutre de l'information, les rédacteurs d'aideôchoix.com vous font gagner du temps en passant au crible les différents critères de choix d'un produit ou service. Une véritable aide au choix quoi."
La première phrase de l'article donne la tonalité : "Le saviez-vous, mais dès 5 utilisateurs, une fontaine à eau devient plus rentable que l’usage de bouteilles d’eau." En clair, l'article s'adresse à des acheteurs.
Suit alors une réflexion intéressante sur les critères à considérer dans la définition du besoin. Faut-il privilégier les fontaines à bonbonnes ou bien celles connectées au réseau ? Quel type de fontaine envisager : des modèles à col de cygne ou à dosseret - vous savez, ces parois contre-fort permettant d'éviter les projections - avec ou sans filtrage ? Faut-il s'engager plutôt sur une location ou un achat ? Où installer la fontaine ? Qui s'en occupera ? Etc.
Avec les questions liées à l'entretien de la fontaine se profile la figure des agents en charge de l'entretien et de l'approvisionnement de la fontaine.
Deux figures apparaissent clairement dans le dossier d'aide au choix : celle de l'acheteur et celle de l'agent d'entretien. Ces deux figures renvoient à la catégorie plus grande des metteurs en oeuvre, l'acheteur étant en charge des volets économique, administratif et juridique, quand le second, l'agent d'entretien, est lui sur les aspects techniques.
A en croire nos amis d'aideôchoix, le tour de la question est fait. Pourtant, est-ce bien suffisant ? Etes-vous armé pour prendre une bonne décision ? Vous pensez que oui ?
Hum...
Imaginez juste la situation suivante : vous avez suivi à la lettre les instructions fournies et après consultation de multiples acteurs de la place, vous avez négocié des conditions imbattables sur le plan économique avec un fournisseur de fontaines à eau. Techniquement, c'est du velours et la personne des services généraux en charge de l'entretien des fontaines se sent tout à fait à l'aise pour gérer les stocks de bonbonnes et remplacer, tous les 15 du mois, le dispositif de filtrage de l'eau.
C'est on ne peut plus confiant que vous mettez en place les fontaines. Pourtant, au bout de quelques jours à peine, vous faites face à une levée de boucliers des salariés. Ils trouvent le dispositif laid, peu pratique et encombrant. Les gobelets sont trop bas et certaines personnes souffrant d'arthrose ont du mal à s'en saisir.Les représentants des salariés s'en inquiètent auprès des ressources humaines. Ces dernières déplorent n'avoir pas été consultées dans la prise de décision. Vous appelez le fournisseur, lui demandez de démonter l'installation et de remporter fontaines, bonbonnes, filtres et gobelets. Vous en êtes pour quelques milliers d'euros de votre poche à passer en perte sèche.
Que s'est-il passé ?
Vous avez tout simplement oublié de prendre en compte la perspective des premiers bénéficiaires associés à cette initiative, à savoir les employés de l'organisation.
"OK", vous dites-vous. "Compris. On ne m'y reprendra pas à deux fois."
Admettons alors que vous repreniez le dossier à zéro en veillant cette fois à solliciter un groupe de représentants des salariés. Vous organisez des ateliers probatoires au cours desquels les différents fournisseurs potentiels vous ont laissé un exemplaire de leur fontaine en libre service. Les employés notent les différents dispositifs. Un fournisseur se détache du lot. Vos services généraux valident les modalités de mise en oeuvre. Côté achats, vous négociez avec lui les meilleures conditions possibles, non sans avoir agité le brûlot comme quoi tout se jouait sur le prix. Cette fois-ci, c'est bon, vous dites-vous.
Quelques jours plus tard, pourtant, patatras. Marianne, la directrice des ressources humaines, vous demande d'annuler le contrat avec le fournisseur de fontaines à eau retenu. Marianne prétexte que le dossier a été mené en dépit du bon sens. Selon elle, il a été conduit sans se préoccuper des raisons essentielles présidant au choix de fontaines à eau : le manque de dialogue entre les salariés rendant l'atmosphère de travail délétère et les risques de développement de troubles psycho-sociaux importants. "Si on fait tout ça, c'est pour faire baisser le taux de démissions de salariés déçus par l'expérience que nous leur procurons. Notre image est détestable sur la place, sans compter que chaque personne à remplacer nous coûte environ 70k€. Je reprends le dossier en main. Désormais, il ne s'agit pas de choisir un fournisseur de fontaines à eau, mais bien de lancer une réflexion sur le cadre de travail au sein de nos bureaux. Faut-il créer des espaces de convivialité, où, comment les équiper, etc. Voilà autant de questions à traiter pour être certains que nous mettions tous les atouts dans notre manche pour attirer et retenir les meilleurs talents."
Que c'est-il passé ? Tout simplement un basculement vers la raison d'être, le pourquoi de l'initiative. Et en l'espèce, ici, c'est la directrice des ressources humaines qui a été à l'origine de ce recadrage indispensable. Comme elle prend l'initiative en indexant la démarche de choix par rapport à un objectif métier, cette dernière a toutes les chances d'aboutir. Désormais, la validation technique et la négociation économique ne sont plus des fins en soi, mais bien des actions ponctuelles dans le cadre de l'évaluation de solutions associées à la satisfaction d'un enjeu clé de l'organisation. En sa qualité d'ambassadrice de l'objectif métier - réduire le turnover non désiré au sein de l'organisation - Marianne va pouvoir inscrire les activités d'évaluation des uns et des autres dans un cadre de cohérence clair.
Quelle conclusion tirer de cette petit fable, sur le plan commercial ?
Elle est double.
D'abord, que lorsque vous êtes sollicité(e) pour présenter votre offre, faire une démonstration, laisser votre produit en libre service dans le cadre d'un POC (Proof of Concept), ou rédiger une proposition, osez la question "pourquoi". Et tant que vous n'avez pas une réponse renvoyant à un bénéfice économique ou stratégique clair, continuez à rechercher la raison d'être ultime de la démarche de votre client. Enfin, si en dépit de vos efforts pour connaître et comprendre le bien fondé de la consultation, vous faites chou blanc, alors n'hésitez pas à vous désister. Tout simplement.
La deuxième conclusion, c'est que lorsque vous êtes engagé(e) dans une démarche de vente auprès d'un client, veillez à identifier les acteurs occupant les 4 cases du carré magique de la vente. Et là aussi, s'il vous manque la personne en haut à droite, à savoir le ou la bénéficiaire économique, celle qui sera en meilleure posture pour atteindre ses objectifs clés grâce à votre offre, posez-vous la question de savoir si cela vaut la peine de continuer à investir en temps et en ressources sur cette opportunité.
L'expérience montre que les meilleurs commerciaux ne sont pas ceux qui ont les portefeuilles d'affaires en cours les plus remplis, mais bien ceux qui savent disqualifier au plus vite les fausses opportunités, à savoir celles qui ne sont pas ancrées sur le souci d'atteindre un objectif clé.
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PS - Dans ce billet, je me suis servi comme support d'un article décrivant l'art et la manière de choisir une fontaine à eau (ici). J'aurais pu appliquer exactement le même raisonnement si j'avais choisi un tout autre objet, comme par exemple, l'achat d'une formation. L'article récemment paru dans le blog du manager commercial de Cegos, ici illustre une démarche en 6 étapes pour sélectionner un prestataire de formation. Là encore, le lien entre le quoi (l'achat d'une formation) et le pourquoi (augmenter la productivité des commerciaux, par exemple) est complètement passé sous silence.
Article très intéressant. Je travaille moi même exclusivement en B2B depuis peu (et pour la première fois). Il me manque parfois certains codes, et j'apprécie beaucoup ce type d'article. Je me suis également faite aider de ce type de lien, http://afficheur-leger.fr/2019/01/01/conseils-ranger-france-telemarketing-b2b/ - moins poussé - je ne sais pas quel serait votre avis là dessus.
Au plaisir d'échanger,
Solaine
Rédigé par : Solaine | 26/03/2019 à 16:14