C'est sans doute un des résultats les plus contre-intuitifs qu'il m'ait été donné d'observer chez un mes prospects.
Inquiets de voir le taux d'attrition client se stabiliser à des niveaux anormalement élevés (de l'ordre de 30% par an), les dirigeants de la société se dirent que c'était intenable et qu'il était plus que temps de déverrouiller le problème. Ils entreprirent alors la réalisation d'une étude pour comprendre quels étaient les facteurs contribuant le plus à l'explication du phénomène.
Comme la société opérait un réseau social pour le compte de millions de clients particuliers et entreprises, ils disposaient de volumes de données effarants sur le comportement de leurs clients et la façon dont ils utilisaient ou non les services offerts. C'est pourquoi ils confièrent cette étude à une équipe interne de data scientists.
Après avoir trituré les données dans tous les sens, les data scientists présentèrent leurs conclusions. Et celles-ci ne manquèrent de surprendre l'auditoire. Parmi toutes les variables influençant le taux d'attrition client, le fameux "churn", celle qui exerçait l'influence la plus forte était... le taux de remise consenti lors de la signature de la première transaction.
Pis, la corrélation était quasi parfaite. Plus les commerciaux se montraient généreux en termes de rabais lors de la souscription de l'abonnement initial, plus grandes étaient les chances de voir le client suspendre le service au bout d'un an d'utilisation.
Confrontés à cette réalité aussi inattendue qu'inattaquable - tant la corrélation ne pouvait être le fruit d'une coïncidence - les dirigeants eurent la réaction suivante :
"C'est parce que nous leur octroyons des remises en première instance que les clients nous abandonnent par la suite ? Qu'à cela ne tienne ! Cessons de donner et ils cesseront de nous abandonner."
Vous noterez au passage le sens de la formule de notre dirigeant. A ce propos, il est intéressant de noter que cette maxime constitue une variation du proverbe béninois de mon ami Richmir, popularisé dans un article ad hoc, ici. Mais revenons à nos moutons...
Quelques esprits perspicaces s'inquiétèrent : "Mais si nous lâchons trop de remises aujourd'hui, c'est sans doute que nous ne savons pas faire autrement, non ?"
Confondus par l'excellence du propos, les dirigeants opinèrent. Le directeur commercial, se sentant peut-être sur la sellette, prit la balle au bond : "Mais oui, je sais moi pourquoi nos commerciaux lâchent tant en phase finale de négociation. C'est tout simplement par ce qu'ils ont du mal à faire visualiser la valeur de ce qu'ils vendent avant cela."
Et c'est ainsi qu'en partant d'un problème endémique d'attrition client, les dirigeants de cette société prirent deux décisions. D'un côté, ils interdirent l'octroi de remises, rabais et autres ristournes. Ca, c'est pour le volet "secousse". Mais comme il n'y a pas de "secousse" sans "rescousse", de l'autre, ils firent appel à mes services pour dispenser à leur force de vente un programme de formation orienté autour de la vente par la valeur.
Quelques mois plus tard, alors que je m'entretenais avec ce client sur l'impact de ses mesures, il me confia : "C'est sans doute l'investissement le plus intelligent que nous ayons consenti. Notre taux d'attrition client est passé de 30% à 10%. Autant vous dire que cet investissement a été récupéré au centuple."
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PS : Ce billet a été publié en anglais sur LinkedIn en date du 5 septembre 2019. Pour y accéder, il vous suffit de cliquer ici.
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