Récemment, j'ai été invité comme conférencier lors des journées d'Université d'hiver d'un grand éditeur de logiciel français. Le thème principal de mon intervention était la vente de la valeur.
Comme beaucoup d'organisations, cet éditeur avait au fil du temps structuré son activité autour de gammes de produits autonomes, chacune fonctionnant de façon plutôt autonome par rapport au reste de l'organitions. C'en était même au point où les fonctions transversales typiques - R&D, vente, marketing, finance, pour ne citer qu'elles - étaient très sous-représentées. Elles existaient bel et bien, mais étaient disséminées au sein de chaque tuyau d'orgue organisationnel.
Le directeur général de la structure appelait de ses voeux un changement radical de mentalité visant à privilégier la perspective client à la vision interne. C'est dans cet esprit qu'il annonçait la naissance de directions transversales étant leur domaine d'influence sur l'ensemble des organisations produits existantes.
Belle décision pleine de bon sens, à n'en pas douter. Pour peu naturellement que le phénomène de l'étanchéité entre fonctions ne se reproduise pas sur le plan horizontal, cette fois-ci.
Imaginez en effet une petite minute que vous disposiez d'une orgnaisation classique structurée autour de fonctions. Vous avez sous vos ordres :
- un directeur de la R&D
- un directeur marketing
- un directeur commercial
- un directeur administratif et financier
Est-il raisonnable de penser que ces individus s'échangent de temps à autres des propos guère obligeants, allant parfois jusqu'à taxer l'autre d'incompétence ? Est-il possible que le directeur commercial se plaigne de l'incapacité du directeur marketing à supporter l'effort des vendeurs ? Pouvez-vous imaginer que le directeur financier stigmatise l'inaptitude du directeur commercial à tenir ses engagements de chiffre d'affaires et voie dans cette défaillance le symptôme d'une frivolité, voire d'une irresponsabilité patente ?
Si mon propos vous donne un sentiment de déjà vu, je ne saurai trop vous inviter à considérer les suggestions suivantes :- Faire du marketing le client de la R&D. Cela signifie que si et lorsque une offre mise en avant par la R&D n'est pas ajustée aux besoins du marché, le marketing devrait avoir la latitude de la "renvoyer" comme on renvoie en cuisine un plat jugé trop froid ou mal cuit.
- Faire de la vente le client du marketing. De la même façon, si un outil provenant du marketing n'apporte pas de valeur aux vendeurs, ces derniers devraient pouvoir le faire savoir et opposer un droit de véto à leur diffusion.
- Faire du marketing le point d'entrée de la gestion des opportnités commerciales. Il s'agit là d'une condition essentielle pour permettre au marketing de se frotter à la demande du marché, à son caractère volatil et mouvant. C'est aussi à cette condition que le marketing sera en pleine mesure de jouer son rôle de partenaire effectif de la R&D dans l'art et la manière de spécifier les offres à venir.
- Faire de la vente le point d'entrée du marketing. Eh oui, ce point-là, on n'en entend rarement parler. Car diantre, n'est-ce pas aux commerciaux d'alimenter le marketing sur l'identification des cas d'usage les plus spectaculaires, innovants ou exemplaires observés en clientèle ?
- Vous assurer que les directeurs commercial et financier partagent une vision commune sur la nature des critères nécessaires à la mise en prévision des opportunités.
Pour arriver à ce niveau de coordination entre fonctions, les différentes directions doivent s'entendre au préalable sur l'éventail des interlocuteurs à impliquer pour que le client soit en capacité de prendre une décision en toute connaissance de cause, la nature des conversations à avoir avec chacun de ces interlocuteurs, ainsi que la compréhension des bénéfices que ces mêmes interlocuteurs peuvent tirer de l'utilisation de l'offre proposée.
C'est pourquoi, avant de se lancer dans un effort de formation des équipes commerciales, je recommande systématiquement à mes clients de mener à bien cet exercice de profilage du "client idéal" et de design du processus de vente. Cela permet, entre autres bénéfices, de s'entendre sur la définition de mots clés comme "lead", "opportunité", "client", "référence". Dire qu'un "lead", par exemple, n'est ni plus ni moins qu'un interlocuteur appartenant à la cible et exprimant un intérêt pour les bénéfices induits par l'utilisation de l'offre est tout sauf anodin. Reconnaître qu'une "opportunité" est la reconnaissance par un interlocuteur cible d'un enjeu d'amélioration susceptible d'être impacté positivement à travers une ou plusieurs modalités d'utilisation de l'offre peut apparaître original en première lecture.
Pourtant, il s'agit là d'un effort essentiel pour qui veut aligner les fonctions entre elles dans l'esprit de maximiser l'efficacité collective. Et ne pas passer par cette étape clé, c'est se laisser à chacun le soin d'optimiser le fonctionnement de sa direction, souvent au détriment de la performance d'ensemble.
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